La liberté de la presse n'est pas seulement en résidence surveillée, mais en prison. Cette déclaration prononcée, hier, par Me Ali Yahia Abdenour, président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH), lors d'un rassemblement à la maison de la presse Tahar Djaout, résume le contexte dans lequel a été célébrée la Journée internationale de la presse dans notre pays. Un contexte, comme l'a si bien signalé encore Me Ali Yahia Abdenour, où, « depuis particulièrement une année, les libertés syndicales et la liberté d'expression en Algérie sont en régression ». Hier encore, tous ceux qui ont pris la parole étaient unanimes à exprimer leurs craintes pour la liberté d'expression dans notre pays. Devant une foule compacte composée essentiellement de journalistes, de syndicats autonomes, de personnalités politiques et de représentants de certains partis (FFS, MDS et PT), les intervenants ont, tour à tour, dénoncé le musellement de la presse et l'emprisonnement des journalistes. Dans une déclaration lue en la circonstance, le premier responsable de la SNJ, Rabah Abdellah, a indiqué : « Cette journée n'invite pas pour nous, journalistes, au festif, tant la situation de la profession n'a jamais été autant préoccupante. » Pour lui, « l'emprisonnement de journalistes, le harcèlement politico-judiciaire dont font l'objet nombre de confrères (...) nous recommandent non seulement une extrême vigilance, mais aussi et surtout davantage de mobilisation ». Ainsi, il convient d'agir, selon lui, pour la libération de Mohamed Benchicou « injustement » emprisonné à la prison d'El Harrach depuis près d'une année. Comme il convient d'agir aussi pour qu'aucun journaliste n'aille en prison. Pour Rabah Abdellah, la nouvelle loi organique relative à l'information, dont un projet serait en cours d'élaboration, n'aura d'effet pour la liberté de la presse que si elle tient compte de cette exigence et la consacre. Poursuivant, Rabah Abdellah estime qu'il ne peut y avoir de liberté de la presse quand des journalistes vivent des conditions de corruption, de pauvreté ou de peur. De plus, selon lui, « le Pouvoir ferme éhontement ses yeux sur, entre autres, l'absence d'un statut juridique pour les journalistes, le maintien du monopole étatique sur la publicité, le non-établissement d'un fichier national des journalistes par les instances habilitées et l'entretien du monopole étatique sur les imprimeries ». Lui succédant, du haut de ses 84 ans, Ali Yahia Abdenour, plus incisif que jamais, a trouvé la force et le verbe pour appeler, haut et fort, à l'union et à lutter pour, dit-il, « libérer la presse et libérer la liberté ». Pour lui, « le Pouvoir va vers une pensée unique exprimée par un mouvement unique ». « Il ne règle pas les contradictions, mais met les contradicteurs en prison », a-t-il ajouté. Se voyant - en tant que ligue - partie prenante de la liberté d'expression, pour Me Ali Yahia « s'il y a une éthique et une déontologie qu'on doit respecter, ce n'est pas au Pouvoir de nous la dicter, mais la profession. Pour que la liberté soit libre ». Pour sa part, tout en se solidarisant avec la presse algérienne et réclamant par-delà la libération de M. Benchicou, M. Ulrich, vice-président du Syndicat des journalistes allemands et membre de la FIJ, estime : « Ce n'est pas supportable que des journalistes soient en prison. » De sa cellule à la prison d'El Harrach où il se trouve après sa condamnation à deux années de prison ferme, Mohamed Benchicou a marqué sa présence parmi la foule en adressant un message qui a été lu par sa femme, Fatiha Benchicou. Ainsi, dira-t-il dans ce message, il refuse de baisser le front et que son emprisonnement n'est qu'une des palpitations de l'Algérie en lutte pour sa dignité. Il dit encore dans ce message : « La liberté a un prix qu'il faut savoir payer. » A ses confrères, selon sa femme, Mohamed Benchicou « souhaite qu'ils continuent, comme ils le font aujourd'hui, à garder le verbe haut et la plume fière malgré le glaive du bourreau ». L'un de ses avocats, Me Benarbia, a tenu à rassurer : « M. Benchicou se porte à merveille. » De sa cellule, dit-il, « Benchicou cohabite toujours avec la liberté ». De son côté, l'un des membres du Comité pour la libération de Mohamed Benchicou estime : « Nous sommes à l'heure d'une dérive despotique. » « C'est au niveau de la corporation que le combat n'a pas de portée », a-t-elle estimé. Fidèle à sa présence dans les rassemblements de la presse, Belaïd Abrika, l'une des figures de proue des archs, réitère l'« alignement » de son mouvement sur le combat de la presse. Aujourd'hui, a-t-il dit, « il est plus que jamais important de réunir nos forces pour libérer la presse ». Hefnaoui Ghoul, qui a été déjà incarcéré à Djelfa, a estimé que la presse algérienne vit une situation difficile caractérisée par un musellement de certains organes et le recul de la liberté d'expression.