Des journalistes, des acteurs de la société civile ont tenu hier un rassemblement à la maison de la presse Tahar-Djaout. Plus d'une centaine de personnes ont exigé haut et fort la liberté pour Mohamed Benchicou et la cessation du harcèlement judiciaire des autorités contre la presse indépendante. La célébration de la Journée mondiale de la presse, hier à la maison de la presse Tahar-Djaout, a été sobre mais digne. Sans tambour ni trompette, journalistes et acteurs de la société civile, amis de la presse se sont retrouvés dans une belle et pathétique communion pour pourfendre la “dérive liberticide” du pouvoir en place. Leur rassemblement a drainé plus d'une centaine de personnes. “Pas de prison pour les journalistes !”, “Libérez Benchicou !”, “Halte à la répression des libertés !”… ce sont là en gros les mots d'ordre consignés sur des banderoles accrochées çà et là, juste à l'entrée du journal El Khabar. Ali Yahia Abdenour (Laddh), le Dr Tahar Besbès (CNLS), Abdelaziz Rehabi (ex-ministre de la Culture), El-Hachemi Chérif (MDS) et bien d'autres figures connues ou anonymes étaient là pour témoigner leur solidarité à une presse plus que jamais au creux de la vague, menacée dans son existence même. Le secrétaire général du SNJ, Rabah Abdellah, le premier à prendre la parole, a bien raison de dire que la célébration, en Algérie, de la journée de la presse “n'invite pas au festif tant la situation de la profession n'a jamais été autant préoccupante”. Devant “le rétrécissement de plus en plus drastique du champ de la liberté d'expression du fait de l'action d'un pouvoir ouvertement liberticide”, il a appelé les professionnels de la presse à faire preuve de vigilance et à davantage de mobilisation pour “préserver ce précieux acquis, la liberté de la presse, aujourd'hui menacé”. Tout en recommandant à ses pairs d'agir pour la libération de Mohamed Benchicou, incarcéré à la prison d'El-Harrach depuis le 14 juin dernier, Rabah Abdellah a exigé la dépénalisation du délit de presse, l'ouverture du secteur audiovisuel à l'initiative privée. Mettre fin à la précarité professionnelle des journalistes, sur les plans social et juridique, est, à ses yeux, plus qu'impératif pour un meilleur exercice du métier. Uli Remmel, journaliste allemand et membre du comité exécutif de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), a soutenu que sa présence “témoigne de la solidarité agissante de la FIJ à la presse algérienne”. “Nous réclamons la libération de Mohamed Benchicou, symbole de la liberté de la presse, et exigeons la cessation de la répression contre les journalistes. Ce qui se passe en Algérie nous est insupportable. Nous demandons au président Abdelaziz Bouteflika et aux pouvoirs publics de mettre fin aux pressions sur la presse”, a-t-il affirmé. Et de révéler que le centre de la FIJ à Alger deviendra celui de toute l'Afrique du Nord. Lisant un message de son mari, Mme Fatiha Benchicou a dit de lui qu'“il reste debout malgré l'arthrose cervicale qui s'aggrave (…) Il refuse de baisser le front (…) Il dit ne rien regretter de ce qu'il a écrit ou fait paraître...” Son souhait est que ses confrères “continuent à garder le verbe haut et la plume fière malgré le glaive du bourreau” car, estime-t-il, “c'est la seule façon aujourd'hui et maintenant d'être dignes de ceux qui nous ont précédés et de ceux qu'on nous a arrachés”. Le journaliste Hafnaoui Ghoul a appelé ses confrères à davantage de solidarité et d'union pour mieux déjouer l'entreprise de mise à mort de la presse. Loin d'avoir perdu son punch, Ali Yahia Abdenour, l'infatigable militant des droits de l'Homme, s'est écrié : “Nous devons lutter pour que la liberté de la presse reprenne sa place en Algérie. Il faut libérer la presse. Il faut libérer la liberté car la régression est totale. Nous sommes au pied du mur.” “Non à la pensée unique et au mouvement unique. L'Algérie est plurielle”, a-t-il encore ajouté. Pour Me Ali Yahia, même s'il y a une déontologie et une éthique à respecter, ce n'est pas “au pouvoir de la dicter, mais à la profession”. Fort de sa conviction que “la liberté ne se donne pas”, le président de la Laddh a exhorté l'assistance à plus de combat et de mobilisation pour la défendre. Lui qui revient de Belgique, sa conviction est que “le pouvoir va reculer sur ce point (répression contre les libertés) parce qu'il tient compte de ce qui se fait à l'extérieur”. Lui emboîtant le pas, Tahar Besbès, coordinateur du CNLS, a soutenu : “Le combat de la presse est le nôtre. Nous sommes en train de subir la même répression. On veut normaliser la société civile par la force de la loi ou la loi de la force.” Pour le Dr Besbès, “il ne peut y avoir de liberté syndicale sans la liberté de la presse et l'indépendance de la justice”. Bélaïd Abrika a tenu, quant à lui, à rappeler que le mouvement citoyen a toujours accompagné la presse indépendante dans son combat. “Nous le sommes aujourd'hui et nous continuerons à le faire”, a-t-il promis. “Le mouvement citoyen n'a jamais abandonné Benchicou, porte-voix des marginalisés. Nous devons tous faire serment de ne pas céder, reculer ou avoir peur.” A. C.