Hier au parloir de la prison d'El Harrach, j'ai vu Mohamed, au lendemain de son 53e anniversaire passé en prison et à la veille de la célébration de cette Journée mondiale de la presse qu'il aurait tant aimé partager avec vous. Il reste debout malgré l'arthrose cervicale qui s'aggrave et qui le fait terriblement souffrir et que les autorités judiciaires refusent de le laisser soigner. Il pense à vous. Il m'a chargée de demander à ses lecteurs et à ses confrères de continuer à croire en notre combat et de garder espoir en notre Algérie. Il vous dit qu'au onzième mois de sa détention, il refuse de baisser le front et que son emprisonnement n'est qu'une des palpitations de l'Algérie en lutte pour sa dignité. Il m'a dit : « La liberté a un prix qu'il faut savoir payer. » A ses lecteurs, il dit ne rien regretter de ce qu'il a écrit ou fait paraître à leur intention. Il leur dit que « Le Matin a toujours vécu dans le droit de dire ce qu'il savait sur son époque et sur les hommes. De dire tout. Non pour ajouter à l'insupportable malheur de l'Algérie mais pour tracer, sur cette terre incertaine de modestes sillons de lumière qui pourraient nous indiquer la sortie. L'Algérie, le peuple algérien a besoin d'espérer. Mais si tout se tait, les voilà désespérés et nous aussi. On ne peut accepter cela. » A ses amis, il dit simplement merci. A ses confrères qu'il salue chaleureusement en ce 3 mai, il souhaite qu'ils continuent, comme ils le font aujourd'hui, à garder le verbe haut et la plume fière malgré le glaive du bourreau. C'est, m'a-t-il dit, la seule façon aujourd'hui et maintenant d'être digne de ceux qui nous ont précédés et de ceux qu'on nous a arrachés. Ceux-là, Djaout, Mekbel, Yefsah, Ameyar, Ouartilane, Matoub, ceux-là ont plus besoin d'être continués que commémorés ou consacrés. Nos geôliers comme leurs prisons sont impuissants à nous détourner de notre belle cause. Notre cause est belle. Comme la liberté. Fatiha Benchicou