Le départ du président du Conseil national économique et social (CNES) intervenue avant-hier a mis à nu les rapports conflictuels qu'entretient l'institution qu'a présidée Mohamed-Salah Mentouri avec l'actuel chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia. Une source proche du CNES a indiqué, hier, que la mandature d'Ahmed Ouyahia à la tête de l'Exécutif a envenimé les rapports qu'entretient cette institution consultative créée en 1996 par décret présidentiel avec le gouvernement. « Nous n'avons pas subi autant de pressions et de tentatives de mise au pas du temps des gouvernements Benflis et Hamdani », indique la même source. En clair, les remontrances du président du CNES et de son entourage visent essentiellement le président de la République et son chef du gouvernement. En 2002, les remous ayant accompagné la publication par le CNES du rapport sur la conjoncture économique et sociale du pays et les critiques du président Bouteflika à l'égard d'une institution dont ses propos sur le rôle du CNES avaient fait sortir Mentouri de sa réserve. A l'époque déjà, Mohamed-Salah Mentouri avait indiqué que l'institution qu'il préside a été auditionnée par la Commission nationale de réforme des structures de l'Etat, notamment sur le rôle et le fonctionnement du CNES. Soupçonnant des velléités de mise au pas de son institution, M. Mentouri avait répliqué : « Assurément, l'heure n'est pas à une restriction des attributions d'une enceinte comme la nôtre, mais au contraire à une plus grande valorisation de son apport. » Plus incisif, il s'est même défendu de « se complaire dans un rôle peu reluisant de chambre d'enregistrement relayant obséquieusement le discours officiel et prodiguant des satisfecit onctueux auxquels la réalité aurait apporté des démentis cinglants quotidiens ». Mais des membres du CNES, tout en reconnaissant l'existence d'un différend avec le chef de l'Etat sur le rôle et le fonctionnement du CNES, n'en attestent pas moins que Bouteflika a, dès l'entame de son mandat, mis fin à toutes les institutions issues de la période dite de « transition » tout en se gardant de faire de même avec le CNES. « Ce qui dénote la considération dont jouit notre institution auprès du chef de l'Etat », explique un membre du CNES. Avec Ahmed Ouyahia, les rapports ont atteint un seuil critique lors de l'ouverture des travaux en plénière de la 24e session du CNES tenue en juin 2004. Les divergences et les différences d'appréciation de la situation socioéconomique du pays ont fait sortir Ouyahia de ses gonds qui décréta sèchement : « Le CNES est une instance consultative qui relève des services du gouvernement. » Une réplique qui a tout d'une mise en garde contre les velléités d'autonomisation du conseil par rapport à l'Exécutif. Cela dit, les bilans sans complaisance du CNES et les tentatives de l'Exécutif d'opérer une OPA sur l'information économique dans le pays montrent toute l'étendue entre un discours officiel prêchant le libéralisme et l'accélération des réformes économiques et une pratique politique qui, au quotidien, s'illustre par des tentatives d'uniformisation et d'extinction de toutes les voix discordantes, fussent-elles proches du discours officiel.