Le terrorisme est un phénomène trop réel pour les Américains (voir les alertes continues du Département d'Etat), et on s'attend donc en débarquant à l'aéroport de San Francisco ou ailleurs dans ce pays à la découverte d'un capharnaüm de détails ultrasécuritaires. Surprise, pas le moindre signe de psychose, ni dans la fouille des valises ni au guichet de l'immigration où l'agent qui contrôle passeports et visas fait du zèle pour paraître aimable et souriant. Sauf que l'instant d'après, il invite le visiteur à faire face à la machine qui enregistre sa photo et ses empreintes digitales. Un slogan est inscrit partout à l'aéroport : « America open doors, Security for our Nation », et en dessous un numéro de téléphone de l'agence chargée de la sécurité nationale où on est invité à se renseigner sur la validité selon les lois américaines de la procédure inédite des empreintes et de la photo pour éventuellement la contester... Sorti de là, San Francisco grandeur nature apparaît comme l'éternelle terre du Farwest. Une blonde aux hanches bien rebondies conduit la Buick qui attend les hôtes du festival du film, et bientôt on aperçoit le fameux Golden Gate Bridge... En Californie, le gouverneur (un acteur has been d'origine autrichienne) se remue en ce moment pour rallier l'opinion à son idée de bloquer la frontière avec le Mexique et d'autoriser comme au Nevada des patrouilles de milices civiles. Devant ça, San Francisco reste de marbre. La cité de Jack London tient beaucoup à sa diversité et à toutes les influences qu'elle reçoit du Pacifique. Le Festival de San Francisco se tient d'ailleurs comme chaque année à Japantown pendant la période où la communauté nippo-américaine (20 000 personnes) fête le cherry Blossom Festival, son carnaval annuel. Des milliers de San-Franciscains se pressent pour admirer des acteurs en habits de samouraïs et se donnent des airs de guerriers terrifiants, voire d'authentiques combats de sumos aux rondeurs jaillissantes de leur culotte capables de mettre un éléphant en morceaux, ou encore faire preuve d'une insatiable envie de sushis livrés par des cuistots nippons aux hauts bonnets blancs. Sans craindre le souffle et glacé du vent de la nuit, on assiste aussi au concert de musique rock, le spectacle ne s'arrête pas toute la nuit. Tant pis si on rate un film... Ce sont pourtant les mêmes spectateurs san-franciscains, aficionados de culture étrangère, qui consacrent beaucoup de temps jour et nuit à suivre le programme du festival du film. C'est un fait très étrange qu'étant géographiquement proche d'Hollywood, San Francisco lui tourne carrément le dos et préfère les pratiques filmiques en vigueur dans d'autres pays. Ainsi, loin de la tentative du gouverneur d'amputer la Californie de l'apport précieux du voisin mexicain, le Festival de San Francisco présente toute une série de productions de ce pays. Films mélodrame, de comédie, d'action. un film remarquable, proche du ton de Truffaut, avec de jeunes acteurs prodigieux : Duck Season, de Fernando Eimbock, plonge avec jubilation dans la vie pleine d'embrouilles d'une cité, quand le courant est coupé (pas d'ascenseurs, pas de jeux à la télévision...) et que les jeunes sont livrés à eux-mêmes. Les Fareast films (d'Extrême-Orient) occupent aussi une partie du programme. Ils viennent de Chine, de Malaisie, de Singapour ou de Thaïlande. Sans doute désenchantés par la politique extérieure de leur pays, certains Américains aiment se griser... aux parfums d'images venues d'ailleurs.