Magnifique et révolutionnaire, voire en avance sur son temps, le projet de création d'une ligne de tramway à Constantine risque de finir comme une utopie irréalisable. La variante de tracé proposée par le bureau d'études français Ingerop/Bemur implique, en effet, des changements radicaux dans le tissu urbain de la ville ainsi que dans le comportement des usagers. L'exposé de la phase II de l'étude de faisabilité, présenté mercredi par M. Gautier, a suscité des réserves chez la plupart des responsables qui ont pris part à la rencontre tenue au cabinet du wali. Il n'est pas écarté qu'une véritable levée de boucliers se manifeste dans un avenir proche contre la réalisation d'un tel projet tel qu'il est proposé. Plusieurs intérêts sont en jeu. La première phase de l'étude, consacrée au diagnostic, a confirmé ce que tout le monde sait déjà, à savoir la quasi-saturation du réseau de voirie de la ville, l'inefficacité du réseau de bus du fait de sa dépendance d'un trafic congestionné et la nécessité de développer les transports en commun face aux données qui estiment à un million d'âmes la population à l'horizon 2010, dont 100 000 seront des universitaires. En se basant sur les paramètres du besoin de trafic et la possibilité d'insertion, le bureau d'études propose la prise en charge de la ligne centre-sud qui relie la place des Martyrs à Zouaghi en passant par l'université, et comme deuxième choix le corridor centre-est qui monte vers Djebel Ouahch. Si l'on retient la première proposition, à ce moment-là nous avons deux variantes de tracé. La première passe par la rue Kaddour Boumeddous et la deuxième descend par l'avenue Aouati Mustapha. Au-delà des coûts de réalisation estimés à 17,1 mds de dinars et 14,3 mds de dinars respectivement pour les deux choix, la variante de Aouati s'avère, en outre, moins facile à réaliser sur plusieurs plans avec l'inconvénient, cependant, de priver de la desserte toute une partie de la population habitant le haut du site. De ce point de vue, l'option Boumeddous est la plus indiquée, selon le représentant du bureau français, d'autant plus qu'elle offre une restructuration capable d'induire une revalorisation du centre-ville. En plus de la fermeture des stations Kerkri et Benabdelmalek et la suppression des lignes de bus pour les remplacer par le tramway, l'idée du bureau est à ce point osée qu'elle évoque l'évacuation du groupement de gendarmerie et la prison du Coudiat. « Il s'agit d'une opportunité unique pour aérer le centre-ville et créer un vrai boulevard urbain » alors que la solution financière pour un projet aussi important existe du côté des fonds d'aide consacré par l'Etat français pour la revalorisation de la ville de Constantine, telle que évoquée par M. Gautier. Cette projection courageuse qui casse des tabous, est idéale du point de vue urbanistique qui souligne la nécessité d'une refonte complète du centre-ville de Constantine. Elle bute malheureusement sur des contraintes d'ordre politique et d'autres pratiques puisque la prison est classée depuis 2001 comme monument national et ne peut être touché de ce fait alors que la place des martyrs présente d'énormes difficultés pour l'implantation d'une station de tramway. L'on s'attend, par ailleurs, à ce que les associations des transporteurs réagissent pour refuser qu'on touche à leurs lignes. Solution Idoine Toutes les variantes supposent, par ailleurs, la création de pôles multimodaux pour assurer les correspondances, contenir les parcs de relais et les stations de taxis. Elles sont, en effet, conditionnées par la limitation du trafic des véhicules particuliers et par conséquent le changement des pratiques chez les usagers qui devront laisser leurs voitures pour prendre le transport en commun. Le flux est estimé à 6000 passagers/h sur un sens en 2010. Le tramway est considéré comme la solution idoine à tous points de vue pour Constantine. Si l'on entame le chantier aujourd'hui, il pourra être fonctionnel en 2010 avec la possibilité de grandes extensions à partir de 2015. Les habitants de Zouaghi par exemple pourront rentrer chez eux en 27 minutes. Quant au centre-ville, il sera débarrassé de sa congestion sachant qu'un tramway équivaut à 177 voitures en termes de personnes transportées. A moins de renvoyer les solutions d'Ingerop, les autorités locales sont devant un véritable dilemme qui appelle une décision hardie et historique. Quoi qu'il en soit, la problématique du transport doit trouver la solution à Constantine et ce sera à l'honneur des hommes qui vont l'apporter.