Le vide juridique dans lequel est précipité le cinéma algérien, avec la dissolution, sans alternative, des entreprises étatiques ENPA, CAAIC, ANAF à la fin de l'année 1997, perdure. Adopté en Conseil du gouvernement en janvier 2004, le décret portant création du Centre national de la cinématographie et de l'audiovisuel (CNCA), qui devait mettre fin à cette situation, est à ce jour mystérieusement « suspendu ». « Nous sommes presque dans une situation d'illégalité », a commenté Ahmed Béjaoui, chargé d'élaborer le projet du CNCA. Jeudi dernier, il est descendu à la salle du Répertoire du cinéma de la Cinémathèque algérienne à Alger. Son but : « Créer l'onde de choc », en faveur du projet et chercher soutien dans une corporation réduite à l'état de fantôme. Appuyé par des représentants du Syndicat national des artistes, en gestation dans le giron de l'UGTA, Ahmed Béjaoui a évoqué une volonté politique qui cherche à s'exprimer. Cette volonté politique n'est pas allée plus loin que la création de l'Institut supérieur des métiers des arts et du spectacle (ISMAS), résolution adoptée lors du Conseil du gouvernement de janvier. Cet institut devra profiter des accords de coopération de l'Algérie avec l'Espagne, l'Italie et la Belgique concernant l'encadrement de la formation. Devant une salle dégarnie, Ahmed Béjaoui a souhaité fédérer les intentions. Le CNCA devait être un organisme régulateur, calqué sur le mode du CNC français, « appliqué à une société algérienne libérale ». Entreprise publique à caractère administratif (EPA), il devait, selon Béjaoui, « réguler le marché et transférer toutes les fonctions de production, distribution et exploitation au privé grâce à un accord avec l'ANSEJ ». Elément déterminant de la gestion du marché audiovisuel et cinématographique, le CNCA devait aussi se poser en lieu et place du ministère de la Culture qui « n'a pas à gérer directement des relations avec des producteurs ou des cinéastes comme il le fait encore ». La situation du CNCA est d'autant plus confuse aujourd'hui que le ministère de la Culture parle de « problèmes techniques » sans plus de détails, alors que, d'un autre côté, le directeur générale de l'ENTV évoque un « groupe de l'audiovisuel » dessinant ainsi deux projets qui se télescopent. De son passage au commissariat de l'Année de l'Algérie en France, Béjaoui retient la facture du tirage des copies de film pour le déroulement de cette manifestation. « Il y avait de quoi rénover et mettre en marche le laboratoire dont nous disposons », a-t-il indiqué. Le laboratoire qui se trouve dans l'ex-siège de l'ENPA à Alger est aujourd'hui aux mains de l'ENTV. H.H.C. a opposé un refus au retour de cette infrastructure au ministère de la Culture. Refus qui a été répercuté par le ministère des Finances qui détient en dernier ressort le pouvoir de décision à ce sujet, étant donné que ce siège d'une entreprise dissoute est sous l'emprise des Domaines. Ce vide juridique a ouvert la voie à la dilapidation du patrimoine cinématographique algérien. Les négatifs des films, propriété des Algériens, ont été disséminés dans des laboratoires européens et les droits de certains ont été détournés pour le compte de cinéastes dans des conditions douteuses. La réunion de jeudi dernier aura servi à mettre en contact pour la première fois le chef du projet CNCA avec une communauté cinématographique qui a eu jusque-là le temps de se disperser. La question est de savoir si cette communauté se sent concernée par cette relance et si elle a l'énergie de se conglomérer pour provoquer « l'onde de choc » que souhaite le chef de projet.