Le cinéma algérien est à l'honneur cette semaine. à la faveur d'une heureuse initiative de la télévision algérienne et d'une semaine portée par l'Association des cinéastes indépendants et l'Office Riadh El-Feth, il compte défoncer les portes du silence, s'il est permis de faire un fondu enchaîné sur le film d'Amar Laskri. La promotion de l'économie de marché et la libéralisation plurielle édictées par ceux-là mêmes qui avaient fait hier en Algérie les beaux jours du centralisme bureaucratique n'ont pas été sans provoquer, en effet, quelques enfermements inhibiteurs. À un moment où ce cinéma était en butte à d'énormes difficultés financières et ne trouvait plus les ressources nécessaires et suffisantes pour achever des productions qu'il avait courageusement mises en œuvre. Phénomène plus grave encore, parce qu'inédit, il se coupait de son public du fait même de la rareté de ses productions au moment où de nombreuses salles de cinéma fermaient leurs portes à travers tout le pays. Une double cassure qui devait vite conduire à l'étouffement programmé d'un cinéma algérien victime, de l'avis même de Djamel Eddine Merdaci, de facteurs endogènes et exogènes qui l'ont mortellement pénalisé. Le rétrécissement tragique du champ d'expression de la cinématographie algérienne ne pouvait avoir d'autre alternative qu'un état de vacuité prononcée, aggravée par une apparente pénurie de solutions. Car il était inconcevable d'imaginer une hypothèse de travail qui ne prendrait pas en compte tous les facteurs relatifs à l'activité cinématographique. Comment envisager, en effet, de produire des films et d'organiser des festivals si, d'une part, les ressources sont quasiment inexistantes et que, d'autre part, le tissu nourricier, c'est-à-dire les salles de cinéma, s'est significativement érodé ? Une véritable quadrature du cercle. L'issue est facile à deviner en pareil cas. À défaut d'alternative salutaire, en d'autres termes une réponse concrète à une situation concrète, le gouvernement de M. Ahmed Ouyahia prend l'irrévocable décision de procéder aux dissolutions, entre 1998 et 1999, du Centre Algérien des arts et de l'industrie cinématographiques (Caaic), de l'Entreprise nationale de production audiovisuelle (Enpa, pourtant bénéficiaire) et de l'Agence nationale des actualités filmées (Anaf). Ceci tout en suggérant — un procès-verbal en fait foi — la mise sur pied d'un nouvel organisme public en vue de relancer l'activité cinématographique. Les derviches de l'économie de marché, souligne Mohamed Chouikh, ont décidé subitement que le cinéma n'était plus rentable et qu'il ne fallait plus le soutenir. À la question de savoir si l'échec du cinéma algérien a été rendu possible à la suite du désengagement de l'Etat, Amar Laskri martèlera qu'on le veuille ou non, le cinéma fait partie de l'édifice culturel qui fonde la personnalité de ce pays. Des décisions en relation avec la relance du secteur cinématographique sont prises par le conseil du gouvernement. La plus significative d'entre elles consiste en l'adoption du projet de décret exécutif portant transformation du Centre de diffusion cinématographique (CDC) en un Centre national de la cinématographie et de l'audiovisuel (Cnca). Ce n'est que justice, feront remarquer certains, alors que des dissonances apparaissent déjà au sujet de la nature juridique de ce nouveau-né. Dans un environnement un tant soit peu hostile à l'art et à la création artistique et où règne une pesante inertie, ces décisions auraient pu poser les premiers jalons d'une nouvelle configuration du paysage cinématographique et audiovisuel algérien et constituer, de l'avis même de Mohamed Bensalah, le signe évident du réveil d'une cinématographie trop longtemps engoncée dans le marasme et le désespoir.