Parmi les conférences ayant attiré l'attention de l'assistance, on peut citer celle donnée par René Gallissot, professeur émérite d'histoire contemporaine à l'université Paris VIII, intitulée « Impunité des crimes d'Etat : racisme colonial et nationalisme français ». D'abord, il retracera l'itinéraire du sinistre sous-préfet André Achiary, comme celui exemplaire d'un raciste colonial. L'auteur des massacres à Guelma passera de la gauche à l'extrême droite et défendra en tant que témoin de moralité le fameux maire de Zeralda. En 1942, sous Vichy, ce maire avait interdit par arrêté communal la plage aux Arabes et aux juifs, et, lors d'une ronde de ses sbires, il fait arrêter des Algériens comme ayant commis une infraction. Il les fait mettre dans le sous-sol de la mairie. Quelques heures après, quand on a ouvert le sous-sol, 25 personnes sont mortes. On retrouve Achiary dans la préparation de la bombe, déposée dans la rue Thèbes à La Casbah lors de la guerre de libération, qui a fait des dizaines de morts. Plus tard, il soutiendra les commandos Delta pendant et après l'OAS en Algérie et en France. Le conférencier dira : « Le racisme colonial le conduit à participer aux actions de l'OAS. » Après l'indépendance de l'Algérie, André Achiary se réfugiera en Espagne, attendant l'amnistie pour regagner plus tard la France. C'est l'impunité, dira le professeur. Pour expliquer sa thèse, le conférencier parlera de L'étranger, roman d'Albert Camus. Il dira : « Dans ce livre, le seul personnage qui n'a pas de nom ni même de prénom, comme Marceau, est celui qu'on appelle l'Arabe, et un Arabe peut être tué impunément. Quand on dit l'Arabe, c'est ce qu'on appelle un ethnotype. » Aussi, selon lui, c'est par racisme colonial que l'impunité fait partie de la vie commune. Il dira aussi : « Ce qu'il faut bien voir, c'est que la condamnation des crimes contre l'humanité, des génocides est une sorte d'exception après la Deuxième Guerre mondiale. L'horreur des crimes racistes, de ce qu'il faut appeler le national-socialisme en Allemagne, ce sont des crimes commis au nom du racisme colonial. Il faut purifier la nation allemande des juifs, des Tziganes, des dégénérés, etc. Mais il est bien dit qu'il s'agit de crimes contre l'humanité commis pendant la Deuxième Guerre mondiale. Depuis, il a été très difficile de faire instituer des tribunaux internationaux et de condamner d'autres génocides. Ce ne fut le cas que pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda. C'est un véritable refus du droit international. » Il évoquera les Etats-Unis pour dire qu'ils « ne reconnaissent pas la Cour pénale internationale. A Guantanamo et ailleurs, ils jugent les prisonniers en dehors du droit international. » Il rappelle aussi le fait que les lois ratifiées en France qui condamnent maintenant les crimes contre l'humanité ne sont pas rétroactives, et que les crimes de Sétif et de Guelma, comme tous les massacres de base de la colonisation, sont toujours couverts par l'impunité. L'avenir, pour lui, c'est de faire avancer le droit international. Selon lui, « quand on invoque la réconciliation ou l'amnistie, on risque de confirmer l'impunité ». En réalité, l'impunité révèle la complicité des Etats, c'est le cas pour les crimes collectifs, comme c'est le cas des assassinats politiques, d'où l'impunité de l'assassinat de Ali Mecili, de Dulcie September, représentante de l'ANC (assassinée à Paris) et de Mehdi Benbarka. Le conférencier nous apprend qu'on est en train de préparer à Paris pour le 29 octobre prochain la célébration du 40e anniversaire de son enlèvement et de sa disparition. Derrière cette affaire, dira-t-il, il y a la complicité des Etats marocain et français, ainsi que les services américains et le Mossad.