La déclaration de Michel Barnier à El Watan (voir le supplément spécial 8 Mai 1945 d'hier) n'a pas échappé à la critique des intellectuels français Nicole Dryfus, le Cour Grandmaison et Alain Ruscio qui ont participé au colloque international « Les massacres du 8 Mai 1945 dans la manière nationale » organisé les 7 et 8 mai par l'université Ferhat Abbas de Sétif. Nicole Dryfus, avocate de renom ayant plaidé en faveur des moudjahidine de la glorieuse révolution de Novembre, dit en substance : « Il est clair que les harkis, qui ont renoncé à leur nationalité algérienne, n'ont obtenu aucune reconnaissance de la France. Il me semble que le conflit qui a existé entre les gouvernements français successifs, les harkis, leurs familles et leurs fils n'est en aucune façon l'affaire du gouvernement algérien. C'est donc une question franco-française. Par ailleurs, le devoir de mémoire est incontournable. Si on n'en tient pas compte tôt ou tard, les problèmes ressurgissent. C'est ce qui est arrivé pour l'usage systématique de la torture tout au long de la Guerre d'Algérie. A ce sujet, douze intellectuels français ont lancé un appel, il y a quatre ans, pour que le gouvernement et le Président reconnaissent la responsabilité de l'Etat français dans ces exactions. Le Premier ministre de l'époque (Lionel Jospin) a tenté de minimiser l'importance du phénomène, mais l'opinion publique a réagi avec une force extrême. Lorsque Hubert Collin de Verdière, ambassadeur de France en Algérie, reconnaît la tragédie inexcusable que constitue la répression du 8 Mai 1945, il a, à mon sens, accompli un acte de courage. Car à travers lui, c'est l'Etat français qu'il représente qui s'exprime. Le ministre des Affaires étrangères a approuvé et affirmé la déclaration de l'ambassadeur. Dans l'absolu, on préférerait que la condamnation s'applique à tous les actes de colonisation et non seulement ceux commis en Algérie. » La position du professeur Olivier le Cour Grandmaison est moins nuancée : « La déclaration de Michel Barnier est un premier pas qui demeure insuffisant dans la mesure où il n'y a pas de qualification précise des faits qui ne sont pas reconnus officiellement comme des massacres dont les responsables sont les militaires et les hommes politiques de l'époque. Il ne faut, par ailleurs, pas oublier le contexte politique français actuel qui a vu la majorité voter une loi dans laquelle le caractère positif de la colonisation était officiellement proclamé. Je qualifie cette loi de scélérate dans la mesure où elle porte atteinte à des libertés essentielles, celles de la recherche historique qui doit être toujours indépendante de toute vérité étatique. » Notre interlocuteur, qui n'est autre que le président de l'association 17 Octobre 1961 contre l'oubli, enchaîne : « Il est scandaleux que dans un Etat démocratique, l'Etat s'institue comme le garant d'une histoire officielle et qui plus est mythologique. C'est la raison pour laquelle de nombreux chercheurs et historiens luttent pour l'abrogation de cette loi. » Le chercheur Alain Ruscio abonde dans le même sens : « Il ne faut pas se voiler la face pour dire que les décideurs politiques tels que de Gaulle et le ministre de l'Intérieur Tixier ne sont pas exempts de tout reproche. Il ne faut pas oublier le général ‘'Juin'' qui a fait beaucoup de mal au Maghreb. Ces gens et tous les responsables locaux qui savaient ont du sang sur la main. Ils ont volontairement participé à un crime colonial. A côté de ceux-là, il y avait toute la presse de droite et une partie de la presse issue de la résistance qui partageaient cette opinion. Les gens ont organisé la censure. A l'époque, tous les journaux avaient dans leurs locaux un fonctionnaire qui était chargé de filtrer l'information. Nous profitons de l'occasion pour demander, une fois de plus, l'abrogation de la loi du 23 février 2005 qui n'honore pas la France. » Les historiens algériens, de leur côté, remettent sur le tapis la récupération des archives et des pièces de musée. L'un d'eux cite en exemple le fameux canon de Sidi Merzoug qui orne actuellement la place de la ville de Rennes...