Plus d'un demi siècle (54 ans exactement) après les massacres de Geluma et de Sétif à l'est de l'Algérie, tout n'a pas encore été dit. A Paris comme à Alger, les capitales des deux anciens belligérants, célébreront cette page noire de notre histoire commune, survenue à la fin des hostilités entre les Alliés et l'Allemagne nazié.Largement dénoncées dans les journaux de gauche de l'époque comme "Les temps modernes ", dans les ouvrages, les essais comme, " La force des choses " de Simone de Beauvoir, les répressions sanglantes d'émeutes nationalistes ont coûté la vie à 17 000 morts et 20 000 blessés, selon le rapport français et 45 000 morts, selon le gouvernement algérien.Pour fêter la fin des hostilités et la victoire des Alliés sur les forces de l'Axe, les partis nationalistes algériens, profitant de l'audience particulière donnée à cette journée, décident par des manifestations pacifiques de rappeler leurs revendications patriotiques. Après des heurts entre policiers et nationalistes, les manifestations dégénèrent en émeutes et provoquent d'abord des massacres d'Européens dans les régions de Sétif et Guelma. L'armée française exerce alors une répression qui va prendre des proportions considérables et durer plusieurs semaines.Pour célébrer cette date, un colloque intitulé " Le 8 Mai 1945 à Sétif et Guelma : histoire, qualification et déni " sera organisé le 6 mai prochain à l'auditorium de l'Hôtel de ville de Paris. Organisé avec la collaboration de l'historien Olivier Le Cour Grandmaison, professeur à l'université d'Evry, ce rendez- vous rassemblera plusieurs historiens et auteurs d'ouvrages autour de cette question. Des historiens, des philosophes et une juriste seront invités à évoquer sous les angles historique, juridique et éthique, ces tragiques évènements. Parmi les participants, il y aura les historiens Jean-Louis Planche, Benjamin Stora et Alain Ruscio qui parleront respectivement des " Massacres de mai-juin 1945 et les Américains ", de " l'Historiographie française à propos des massacres de Sétif et Guelma " et de " la France nouvelle et esprit ancien : le monde politique français face à la question coloniale 1944-1947 ". Les philosophes Alain Brossat et Seloua Luste Boulbina aborderont sous la double optique politique et éthique cette étape importante de l'histoire nationale. Le premier intervenant se penchera sur " Ce qui empêche de nommer l'évènement : déni, évitement, occultation ou censure ? ", alors que la seconde intervenante parlera de la problématique de " la Nation, nationalisme et usages de la mémoire du 8 mai 1945 en Algérie ". Quant à la juriste Nicole Dreyfus, celle-ci présentera une communication sur "Les conséquences du 8 mai 1945 et la qualification des massacres ". En marge de ce colloque, un documentaire sur ces massacres, réalisé par Mehdi Lalaoui, sera présenté à l'assistance et sera suivi d'un débat. L'organisation de ce colloque par la mairie de Paris s'inscrit dans le sillage de nombreux travaux de recherche et de réflexion sur ces massacres qui ont mis à nu la nature barbare du système colonial français et tous les moyens mis en branle pour taire la voix des Algériens qui revendiquaient leur droit à l'autodétermination et au recouvrement de leur liberté spoliée. Cette année a vu la publication de nombreux ouvrages consacrés au 8 mai 1945, comme celui de Jean-Pierre Peyroulou, " Guelma, 1945 : une subversion française dans l'Algérie coloniale ". Ce professeur agrégé et docteur en histoire retrace le déroulement de ce drame à Guelma et décèle dans l'action des populations européennes des logiques criminelles et subversives préfigurant celles de l'OAS en 1961-1962. Jean-Pierre Peyroulou examine également dans son ouvrage le fonctionnement d'un Etat et d'une société coloniale qui élaborèrent une raison d'Etat rampante pour recouvrir la réalité et la nature des violences. L'autre œuvre marquante est le documentaire de Yasmina Adi, " L'Autre 8 mai 1945 : aux origines de la guerre d'Algérie ", diffusé il y a quelques mois sur " France 2 " et le 17 avril dernier au Centre culturel algérien de Paris. La jeune réalisatrice a proposé une nouvelle approche de cette question en s'appuyant sur des archives inédites du gouvernement français et des services secrets US et britanniques. Elle a également donné la parole aux hommes et aux femmes qui ont vécu dans leur chair ce drame dans une œuvre poignante et forte qui lève le voile sur l'une des pages noires de l'histoire de la France coloniale. Cette œuvre documentaire sera présentée en avant-première, dans les prochains jours à Alger, puis à Guelma en marge d'un colloque, avant qu'elle ne fasse l'objet d'une large diffusion à travers le pays et en présence de la réalisatrice. Rebouh H