La chute du mur de Berlin a entrainé celle du communisme. Cela est une évidence, mais la disparition de l'espace européen de cette idéologie en même temps que l'empire soviétique a entrainé un boulversement inimaginable. Comme le fait de voir un chef d'Etat américain s'en prendre à ce qui était hier « l'empire du mal », le harceler même, puisque les attaques se font depuis sa périphérie immédiate. Le premier président de la toute nouvelle Fédération de Russie était en fin de compte un visionnaire. Boris Eltsine déclarait au milieu des années 1990 alors même que s'effritait l'URSS, que la prochaine cible sera la Russie. On n'en est pas encore là, mais le pays de Vladimir Poutine constate chaque fois qu'il est encerclé et que l'Otan est à ses portes, après les changements en Géorgie et en Ukraine. Le premier qui accueillait hier le président américain George W. Bush envisage d'ailleurs d'adhérer à l'organisation atlantique. Ce qui semble acquis puisque Bush a réaffirmé son soutien à la candidature de la Géorgie à l'Otan. « Nous avons parlé de l'Otan. Le président (géorgien) est très clair sur ses intentions de remplir les obligations » nécessaires pour rejoindre l'Alliance atlantique, a dit M. Bush. M. Saakachvili estime que son pays aura besoin du soutien des Etats-Unis pour adhérer à l'Otan. « Nous savons que le chemin sera long et difficile, mais nous savons qu'il aboutira à l'adhésion à l'Otan », a souligné le président géorgien. Plus que cela, le président Mikhaïl Saakachvili a appelé hier dans le Washington Post, à l'organisation d'« une nouvelle Conférence de Yalta » entre les nouvelles démocraties européennes pour conjurer « les fantômes de notre passé ». La majeure partie des territoires placés en 1945 sous la férule de l'Union soviétique appartiennent aujourd'hui à la communauté des nations démocratiques, écrit le président géorgien, réformateur pro-occidental arrivé au pouvoir à la faveur de la « révolution de la rose » frappée de suspicion, fin 2003 et qui recevait hier à Tbilissi le président américain. « C'est maintenant à notre tour de contribuer à la réalisation d'une Europe entière, libre et en paix », ajoute M. Saakachvili. « Je pense qu'il est temps d'organiser une nouvelle Conférence de Yalta, une association volontaire de nouvelles démocraties européennes avec trois objectifs principaux » : en premier lieu, « soutenir la consolidation de la démocratie dans nos propres pays », indique le président géorgien qui mentionne en particulier les problèmes rencontrés dans son propre pays dans les régions d'Ossétie du Sud et Abkhazie. En second lieu, « nous devons étendre la liberté dans la région de la mer Noire et à travers une plus grande Europe », ajoute M. Saakachvili qui cite nommément la Moldavie et le Bélarus. « La nouvelle Conférence de Yalta devra faire pression pour la liberté au Bélarus, en accroissant les restrictions sur les voyages des responsables gouvernementaux, en augmentant le soutien financier et matériel à l'opposition, et en renforçant la formation de la société civile aux méthodes de manifestation pacifique qui ont aidé à libérer les peuples de Géorgie et d'Ukraine ». Enfin, la Conférence « s'attachera à repousser les frontières de la démocratie bien au-delà de la mer Noire », ajoute M. Saakachvili qui estime « avoir un devoir » envers ceux qui sont privés de liberté. En février 1945, Josef Staline, Winston Churchill et Franklin Roosevelt s'étaient rencontrés à Yalta, en Crimée (ex-URSS), alors que la défaite allemande ne faisait plus de doute, et s'étaient mis d'accord sur un « partage du monde » entre Occidentaux et Soviétiques. On sait ce que cela a donné, c'est-à-dire plus de division, et tous les ingrédients pour des conflits réels. Il n'y a qu'à voir ce que disent ouvertement cette fois, les dirigeants des trois pays baltes, et Vladimir Poutine a reconnu que c'était une tragédie. A vrai dire, et on le constate, l'Europe se reconstitue, avec de nouvelles frontières sur la base d'entités éthniques bien définies. C'est l'échec d'une certaine politique basée sur l'agrégation de populations, où en fin de compte, l'inégalité entre les communautés est devenue un trait de gouvernement. Une particularité qui a renforcé le sentiment nationaliste, et rien d'autre. Des Etats se sont reconstitués, et les frontières du vieux continent remodelées. De nouveaux pays, mais aussi un nouveau discours qui propulse des organisations jadis ennemies bien au-deà de ce qui était imaginable il y a tout juste quelques années.