Au moment où l'intérêt des Etats-Unis à l'égard du Maghreb ne cesse de s'accroître, la Russie marque en même temps son retour sur la scène internationale avec la nette détermination de reconquérir les espaces géopolitiques perdus après l'effondrement de l'empire soviétique et la chute du mur de Berlin. Aussi son objectif est-il de reprendre pied dans le monde arabe, avec l'option de faire aussi de l'Afrique du Nord l'une des plus importantes escales de son redéploiement stratégique. Si le Maroc représente, à ce jour, le principal point d'appui de l'influence américaine au Maghreb, l'Algérie - dans les laboratoires moscovites - est supposée (re)devenir celui de la Russie. La visite, demain à Alger, du président russe, Vladimir Poutine, traduit dans une très large mesure les ambitions de Moscou en Afrique du Nord, une région qu'elle a négligée ces quinze dernières années à la fois pour des raisons endogènes et exogènes. Les années 1990 ont été difficiles, en effet, pour les deux alliés de la guerre froide.Démembrement, effondrement économique, guerre en Tchétchénie pour la Russie, crise économique, instabilité politique et terrorisme pour l'Algérie. Et le moins que l'on puisse dire est que durant cette période, Alger et Moscou se sont quelque peu perdus de vue. Aujourd'hui, le projet avéré de Moscou d'avoir un solide pied-à-terre en Algérie risque toutefois d'être contrarié par les nouvelles ambitions de Washington, qui, depuis peu, escompte étendre son influence au Maghreb central. La récente visite à Alger du secrétaire d'Etat américain à la Défense, Donald Rumsfeld, montre à tout le moins que les Etats-Unis d'Amérique étaient en train de travailler sur un scénario prévoyant de faire de l'Algérie son principal appui dans la région, en remplacement du Maroc. L'hypothèse est d'ailleurs confortée par le fait que la Maison-Blanche a décidé d'élargir sa coopération avec l'Algérie à tous les domaines, y compris au secteur miliaire. Aussi, il faudrait s'attendre sans doute à ce que s'instaure à moyen terme une rude compétition entre Washington et Moscou. Une concurrence dans laquelle sont déjà engagés Pékin, Paris, Rome et Séoul. Depuis quelques années, l'Algérie et la Russie reconstruisent leur politique étrangère, avec pour principale ligne de conduite : le pragmatisme. Dans ce nouveau contexte, Alger et Moscou aspirent à fonder leurs relations bilatérales sur des bases mutuellement profitables. L'ANP, le plus gros client de MIG Les premiers jalons de cette nouvelle coopération montrent que les échanges militaires prennent, comme dans le passé, la part du lion. Ils (les échanges militaires) sont appelés même à constituer le noyau dur de la nouvelle amitié algéro-russe. La preuve, sur le plan sécuritaire, les deux pays partagent déjà un intérêt en commun depuis plusieurs années : la lutte antiterroriste. Cet aspect a été intégré, rappelle-t-on, dans le cadre du partenariat stratégique conclu entre Alger et Moscou en 2001. Concernant le volet militaire, plusieurs sources révèlent que l'Algérie a conclu, il y a près d'une année, un marché de 500 millions de dollars avec Moscou pour l'acquisition de différents armements. Cela sans rappeler qu'un contrat portant sur la livraison de 50 Mig 29 avait été conclu en 2004 pour un montant de 1,5 milliard de dollars. Le même contrat inclurait une option d'achat de 150 appareils. Durant la même année, l'Algérie a commandé une dizaine de chasseurs bombardiers Sukhoi 30MK. Elle aurait également émis le souhait d'acquérir le YAK 130, un autre appareil russe. Le paiement de la transaction prendrait, dit-on, en considération le remboursement de la dette due par l'Algérie à la Russie. Mais il est difficile de savoir avec exactitude les détails liés au deal convenu entre les deux capitales. Les autorités des deux pays restent très discrètes concernant la gestion du dossier de la dette algérienne, estimée à 4,5 milliards de dollars. Une chose est certaine : tous ces contrats d'armement font de l'Algérie le premier importateur étranger de Mig. La commande de l'ANP a, d'ailleurs, permis au constructeur russe de régler pour une large part les problèmes de trésorerie auxquels il était confronté. En plus de l'acquisition d'armes, il est utile de savoir que l'Algérie dépense aussi beaucoup d'argent dans la maintenance de ses équipements qui sont à 85% fabriqués en Russie ou dans l'ancienne Union soviétique. Un marché bien évidemment monopolisé aujourd'hui par Moscou. A ce propos, même si l'Algérie a tendance de plus en plus à diversifier ses importations, certains analystes estiment tout de même à 85% l'apport de l'armement russe pour les armées algériennes. Cette donne fait que la coopération militaire entre Alger et Moscou a, encore, un bel avenir devant elle. Cet élément rend, par ailleurs, peu probable l'idée de voir l'Algérie renoncer, à terme, à son fournisseur. Cela pour une raison simple : le choix d'une autre marque de fabrique risquerait de coûter trop cher.