Les trois derniers jours avant la clôture du 26e Festival international de Timgad ont connu en plus de l'entrée en lice de l'armada des stars de la chanson orientale (Wael K'fouri, Saber Rébaï) et la troupe de Chico & the Gypsies, l'apparition de groupes et chanteurs moins connus qui ont littéralement explosé le temps d'une première partie de concert. Wael K'fouri en a, le premier, fait les frais lors de la sixième journée du festival. En première partie de soirée, les organisateurs avaient cru bon de placer Raïna Raï pour « tenir la chandelle » en attendant la starlette libanaise. Ce ne fut pas le cas, car le célébrissime groupe de Sidi Bel Abbes a mis littéralement le feu au théâtre transformant sa scène en véritable fosse aux lions. Mais où est Kada ? Chanteur et véritable âme du groupe. Réponse souriante de Lotfi, le guitarrero : « Kada est à la retraite, non en congé. » Son remplaçant Aziz, bien que plus jeune, n'en est pas moins talentueux. Guitar hero Avec un jeu de scène parfait, empreint d'assurance et de séduction, Aziz, nouveau chanteur du groupe, semblait dire à travers chaque son émis qu'il n'est pas un remplaçant au pied levé. Lotfi lui, né sous le signe d'une Fender, se chargea de l'acoustique, engloutissant Timgad sous les riffs stratosphériques de sa Stratocaster. Lotfi se contorsionne, se disloque et, comme sorti d'un tableau de Salvador Dali ou d'un croquis de William Blake, se transforme en homme-guitare. « Ils n'ont pas de costume de scène ? », s'interroge un confrère. En effet, habillés humblement, les membres du groupe Raïna Raï sont à la musique ce que les jésuites sont au catholicisme, ils ont fait vœu de pauvreté et de dévotion envers la musique. Le public chauffé à blanc aura l'ultime surprise d'être sonné par la nouvelle version romantique et langoureuse de Til Ettayla, qui tenait plus de Pariaisan Walkways de Gary Moore que d'une simple ballade raï. Le lendemain, la véritable surprise venait d'une femme, Souad Kherifi, qui fit une impression monstre sur un public venu admirer Saber Rébaï. Originaire de Guelma, cette chanteuse installée en France a prouvé que sans être professionnelle il était possible de réussir. Chanteuse de sahraoui et de chaoui, elle est parvenue grâce à une authenticité certaine et à une voix très belle, à subjuguer l'audience. L'avant-dernier jour du festival a été marqué par l'apparition des « gratteurs ». En effet, avec Chico et les Gypsies ainsi que le Groupe Triana d'Alger, le public amateur de flamenco, venu en masse en cette soirée de week-end, a été éberlué par un chanteur encore méconnu en Algérie. Akli D., chanteur kabyle, a réussi le pari de faire sortir cette musique de son contexte ethnique, de faire en véritable professionnel de l'ethno-jazz et faire aimer ses chants, pourtant ancestraux, à un public non-kabyle. Son secret, une guitare à douze cordes, une mandole, un djembé et un karkabou, soit autant d'instruments que de sonorités. En fait, Akli D., très influencé par la musique celtique, a adapté des chants kabyles à une musique cyclique typiquement bretonne. Même sans l'utiliser, le groupe d'Akli D. émet les sonorités d'une vielle à roue et même, en cherchant bien, des refrains de cornemuse. Les seconds couteaux ont frappé fort au grand plaisir du public.