Le colloque sur le 8 Mai 45 et le 19 Mai 56 s'est ouvert hier au centre universitaire de Khenchela avec l'intervention de Merrouche Lemnouar, ancien président de l'Association des étudiants algériens au Caire en 56-57 et professeur d'histoire à l'université d'Alger à la retraite. Sa conférence a porté sur les différences entre la mémoire collective et l'histoire. « L'histoire, c'est connaître une réalité à un moment donné et puis, si on l'a bien connue, la traduire en texte », dira-t-il. Pour lui, l'histoire n'est pas un tribunal. Par rapport à la mémoire, l'attitude de l'historien est d'être rigoureux, d'avoir de la distance par rapport à l'évènement qu'il traite, etc. La mémoire collective, c'est la reconstruction à partir de préoccupations, c'est aussi la manipulation politique, idéologique, etc. L'historien prend de la distance, s'appuie sur des témoignages à critiquer, sur des documents qu'il compare les uns aux autres. Par exemple, on dit que la marine algérienne sous l'empire ottoman était la plus puissante, alors qu'elle avait 500 ou 600 canons, contre celle anglaise qui possédait 9000 avec une technologie avancée. Mohamed Harbi a parlé de « la guerre d'Algérie dans la vie politique de la France ». Selon lui, « il y a trois moments politiques qui semblent particulièrement importants. Le premier, c'est quand la France, à travers ses élus, a reconnu ce qu'on appelait les évènements comme une guerre ». Mais, pour lui, « elle a reconnu la chose à la demande des anciens combattants de l'AFNA et de l'AFNACA, et non pas pour rendre justice au peuple algérien ». Il ajoutera aussi ceci : « La seconde fois que cette guerre a soulevé un débat, c'est à propos des événements d'octobre 1961 à Paris. Et là, c'est au moment de la mise en cause de Papon à propos de Vichy qu'on s'est alors souvenu que Papon a été l'acteur principal des massacres d'octobre 1961. Encore une fois, ce n'est pas pour rendre justice à l'Algérie. Les choses sont arrivées dans la foulée d'un autre événement. Et la troisième fois, c'est que l'ambassadeur de France a fait un pas en allant à Sétif, en admettant que ce qui s'y était passé est une tragédie inexcusable, et aussitôt après, il y a eu la loi de février 2005. Ce qui me semble évident, c'est qu'un jour ou l'autre, il faudra que soit reconnue la nature du conflit qui opposait les Algériens à la France, que soient reconnues les souffrances des Algériens. On ne demande pas ça au nom de la morale, mais au nom de la vérité, de la reconnaissance politique ». Fatma-Zohra Guechi, professeur d'histoire à l'ENS de Constantine, elle aussi, posera la question de savoir comment exploiter la mémoire collective et ce qu'a fait la nation algérienne de cette dernière. Pour elle, il s'agit donc d'écrire l'histoire avec, au moins, la meilleure tentative d'objectivité, parce que celle absolue n'existant pas. Ce qui ne veut pas dire, ce faisant, renier son pays. Il n'y a pas de honte que l'indépendance ait été acquise politiquement. Après l'indépendance, nous nous sommes appesantis sur les batailles et les faits d'armes, en négligeant le côté politique. Abdelmadjid Merdaci, de l'université de Constantine, abondera dans le même sens, disant que, parlant de la guerre d'indépendance, il faut sortir du mythe du peuple glorieux. « L'imaginaire guerrier, c'est celui qui a fait le principe de la victoire finale sur le colonialisme, alors que beaucoup d'Algériens ont pris les armes contre le projet national algérien », ajoutera-t-il. Ourida Tongour, de l'ENS de Constantine, donnera, elle, des informations en matière de livres d'histoire sortis à l'étranger. C'est à partir de 1988, selon elle, qu'on a vu la parution d'au moins 200 livres sortis en Algérie, soit en langue française ou arabe, et aussi des traductions. On peut en citer, par exemple, les mémoires d'Ali Kafi, celles de Mostefa Bennoui.