Sabah Saghira n'entonnera plus El Khomri. Elle s'en est allée dans la discrétion. En effet, la nouvelle de la mort, hier à Oran, de Sabah Saghira des suites d'un cancer du sein qu'elle traîne depuis plusieurs années s'est répandue comme une traînée de poudre. Sabah Saghira, de son vrai nom Fatima Bentabet, très jeune, s'est mise à imiter Oum Keltoum et Sabah la Libanaise. Bouziane Benachour, dans son ouvrage Figures du terroir, écrivait à son propos : « Elle n'a encore ni style propre ni vocation confirmée. Tout juste quelques souhaits épars et une attirance incompréhensible pour les deux divas de la chanson arabe. L'étreinte des deux voix fait naître des ambitions plus affirmées, moins nuancées chez cette adolescente » qui, des années après, révélera les multiples facettes de son immense talent. Sabah Saghira, l'enfant de Gambetta, émerge de la chorale scolaire et chante El Ghaoui en amateur devant un public nombreux, Blaoui Houari installé aux premières loges. Cette rencontre fortuite avec le chantre de la chanson oranaise la propulsera sur les devants de la scène. Les producteurs d'émissions, telles que « Au coin des amateurs » ou « Alhan oua chabab », découvrent une voix non seulement attachante, mais capabled'émouvoir son auditoire. Elle se distinguera ensuite par son interprétation, le 8 mars 1967, du célèbre tube Ana ila bachar de Abdelwahab Doukali. Omar El Bernaoui, l'auteur de Rihlet el hob, lui écrira la célèbre chanson Ya omri. El Hachemi Hafiène, musicien et compositeur, l'initiera aux rudiments du solfège. Sabah élargit peu à peu son auditoire et son répertoire, mais aussi ses prétentions. Au début des années 1970, elle intègre le collectif du Théâtre régional d'Oran et la pièce théâtrale Eddi oualla khelli de Hadjouti Boualem. Adar Mohamed, un autre homme de théâtre, lui propose un rôle dans ce qui était son premier essai d'écriture théâtral El amkhakh. Abdelmalek Bouguermouh l'intègre dans sa pièce El maghrour montée pour la première fois par le Théâtre régional de Annaba. Sabah Saghira, après quelques représentations, quitte le théâtre et façonne, petit à petit, son propre style et entame une expérience cinématographique. Dans le film Le silence des cendres, Youcef Sahraoui lui propose le rôle d'une jeune fille amoureuse d'un moudjahid. Mohamed Ifticen, à son tour, s'intéresse à elle et lui propose de jouer au côté de Sid-Ali Kouiret dans son film Les marchands de rêve. Puis Djamel Fezzaz lui propose un autre rôle dans El massir. Ensuite, Mustapha Badie l'intègre également dans ses productions. Ceci dit, malgré ses multiples apparitions au théâtre et ses rôles cinématographiques, Sabah Saghira n'oublie pas qu'elle est avant tout une voix. El Khomri, une chanson culte, écrite par Saïm El Hadj et composée par Karim El Houari, consacrera définitivement son statut de « diva de la chanson oranaise ». Après plusieurs années de lutte contre la maladie, dont plusieurs mois de solitude partagés entre les séances de chimiothérapie de l'hôpital de Aïn Naâdja et un chalet de l'UNJA à Sidi Fredj (Alger), elle tire sa révérence à 53 ans dans la ville de son enfance et parmi les siens. Elle sera inhumée aujourd'hui.