Le marché national du compact disque (CD, DVD, MP3, VCD et Divx) représente environ 5 millions de supports par mois. Media Disc Industries au capital social de 40 millions de dinars est la seule usine au Maghreb et la seconde dans toute l'Afrique, après celle actuellement en activité en Afrique du Sud, à investir, en avril 2000, le domaine du support audio et audiovisuel. Le manager général de Media Disc Industries, Karim Louhibi, un jeune investisseur au parcours atypique, malgré un marché informel impitoyable, grignote chaque jour un peu plus de parts de marché. Avec 10 millions de CD annuellement, Media Disc Industries malgré la concurrence déloyale et la férocité du marché informel rafle 15% de parts de marché. En effet, après un passage de quatre années dans le secteur de l'agroalimentaire, Karim Louhibi investit le monde du négoce de cassettes audio pour ensuite monter, à 27 ans, sa première unité automatique de duplication de cassettes. Vers la fin 1999 et début 2000, il s'allie avec Toolex, un constructeur néerlandais, leader mondial dans le domaine. A ce propos, notre interlocuteur nous confiera : « A l'époque, il fallait une bonne dose de courage et de patience pour investir 500 millions de dinars en Algérie et surtout arriver à convaincre un partenaire étranger à s'impliquer dans une affaire de cette envergure. Ceci dit, grâce au parrainage d'une entreprise française, ITF, qui en quelque sorte s'est portée garante auprès des Néerlandais pour participer au montage financier de création de MDI. » Cinq ans après, non seulement Media Disc Industries s'est filialisé en créant notamment Media Soft Distribution spécialisé dans les logiciels et les CD de formation éducative, mais a engagé des partenariats avec Mecca Soft et Es Safir, deux sociétés égyptiennes, mais a aussi entamé une extension estimée à 200 millions de dinars. Karim Louhibi, la quarantaine à peine entamée, brosse un tableau sans complaisance aucune de la conjoncture économique actuelle, ses spécificités et ses particularités mais il reste optimiste pour l'avenir. Il traitera du marché informel, de la tarification douanière contraignante pour les investisseurs et avantageuse pour l'économie du conteneur, selon ses propos. Abordant la concurrence déloyale du marché parallèle, il nous confiera : « Nous subissons les effets pervers du marché de plusieurs façons. Si l'on aborde le volet contenant (la partie physique), nos produits ont une couche de protection des données, ce qui n'est pas le cas du CD gravé. L'autre volet non moins important, c'est celui du piratage. Certes, il touche en premier lieu nos clients, mais la contrefaçon oblige les artistes, auteurs et compositeurs, en somme les créateurs, à commander moins de supports. Les studios d'enregistrement ferment l'un après l'autre. Il n'y a plus de création artistique. Ce qui altère considérablement nos capacités de production. Pour parer au phénomène de la contrefaçon, j'ai créé au sein de mon usine un département recherche et développement pour intégrer un verrouillage automatique de nos CD. Actuellement, le marché du support musical (CD audio) ne représente que 10 à 15% de notre activité, ce qui m'a amené à investir celui du support pédagogique et du livre islamique. Je crois qu'il est temps de changer de politique et passer du répressif au dissuasif. » Pour éradiquer ce phénomène, Karim Louhibi préconise des encouragements et des incitations de la part des pouvoirs publics envers les opérateurs économiques à rester dans le cadre du marché formel. Mais selon notre interlocuteur, « ceux qui activent légalement s'alourdissent de charges fiscales et parafiscales mais aussi de taxes excessives. Dans un pays qui veut relancer son économie, il est anormal que les opérateurs payent encore les droits de douane sur les machines de production et les matières premières ». A ce propos, il préconisera la baisse de la taxe douanière de 30 à 10% et celui de la TVA de 17 à 10% pour inciter les importateurs à activer dans le « formel », car le taux de change officiel de la devise est attractif par rapport à celui du marché parallèle. Cette incitation dissuadera également les importateurs à avoir recours systématiquement à la sous- facturation des produits à l'importation, car les droits de douane restent trop élevés. Et d'ajouter : « Je paye 3 dinars de TVA par CD, alors que d'autres importateurs payent 150 000 DA de droits de douane pour un conteneur de 700 000 CD. » Mécanisme de blocage de l'investissement Dans le même contexte, il citera à titre indicatif « 5% de droits de douane sur un investissement de 200 millions de dinars représentent 10 millions de dinars, ce qui équivaut à 100 000 euros. En somme, de quoi importer une autre machine de production ! ». Le manager de Media Disc Industries ira encore plus loin dans son raisonnement : « Je remets en cause l'existence même de cet organisme qu'on appelle l'Agence nationale de développement de l'investissement (ANDI). A quoi sert-il de demander un agrément d'importation de machines ? Ce n'est ni plus ni moins qu'un goulet d'étranglement qui bloque le renouvellement du parc industriel national et étouffe l'initiative privée. Ce n'est ni plus ni moins qu'un frein en plus pour la relance des réformes économiques. » Pour étayer son raisonnement, Karim Louhibi ajoutera : « Les machines nécessaires à l'extension de mon usine, d'une valeur de 130 millions de dinars, étaient bloquées deux mois durant au port d'Oran dans des conteneurs, alors que le dossier de l'ANDI faisait l'aller et le retour entre Oran et Alger. » Notre interlocuteur insistera sur la nécessité d'engager des réformes profondes, notamment administratives. Les autorités au niveau de la wilaya doivent, selon lui, accompagner l'investisseur, notamment auprès des organismes de services, tels que Sonelgaz, Algérie Télécoms, etc. « C'est un véritable parcours du combattant que de solliciter ses organismes », concluera-t-il. Et d'ajouter : « Les gens ignorent, semble-t-il, qu'en 2005, même la notion de temps est relativisée. Ailleurs, un simple e-mail suffit pour régler un problème ou débloquer une situation. »