Avant l'invention du VCD, l'essentiel des productions cinématographiques qui entraient en Algérie l'était via le canal de la cassette vidéo. Durant les années 80, quelques éditeurs se sont lancés dans ce business. Le commerce à l'époque, de moindre importance au point de vue volume, n'en était pas moins florissant. Avec l'apparition du VCD et de l'Internet, la duplication CD, étant devenue un jeu d'enfant, une multitude «d'affairistes» y ont vu une belle occasion de se faire des bénéfices substantiels à moindre coût. Résultat: la loi de la jungle règne en maître dans l'univers du VCD. Dans la panoplie des activités à la limite de la légalité et qui brassent un chiffre d'affaires astronomique, le marché du VCD se taille une part non négligeable. Et pour cause, l'on apprend de sources proches des éditeurs, qu'il se vend en Algérie quelque 60.000 VCD, jour. A 70 DA l'unité en moyenne, l'on peut aisément deviner le poids financier considérable que représente ce marché qui connaît une très forte croissance. Les mêmes sources précisent que le centre du pays, sur un rayon de 50 kilomètres seulement autour de la capitale, représente 40 % de la masse globale du marché. Cela donne une idée sur les énormes capacités de développement d'un marché qui bénéficie d'une conjoncture baissière des prix des lecteurs VCD et DVD. Leur valeur ne cesse de dégringoler ces dernières années. Négocié il y a quelque temps à plus de 14.000 DA, le lecteur DVD vaut actuellement 8000 DA dans les magasins spécialisés. Quant au lecteur VCD, on peut en trouver sur le marché à moins de 3000 DA. C'est dire que la «démocratisation» du support a donné des ailes à l'une des activités les plus lucratives qui soit dans ce pays. La baisse des prix des lecteurs n'explique pas tout en fait. Il existe dans le créneau du VCD une très rude concurrence. Il faut savoir qu'avant l'invention du VCD, l'essentiel des productions cinématographiques qui entraient en Algérie, l'était via le canal de la cassette vidéo. Durant les années 80, quelques éditeurs se sont lancés dans ce business qui nécessitait un équipement qui n'était pas à la portée de tous. Le commerce à l'époque, de moindre importance au point de vue volume, pour cause de cherté du magnétoscope, n'en était pas moins florissant pour quelques éditeurs qui s'approvisionnaient de l'étranger, sans qu'ils aient l'impression d'être pris à la gorge. Avec l'apparition du VCD et de l'Internet, la duplication CD, étant devenue un jeu d'enfant, une multitude «d'affairistes» y ont vu une belle occasion de se faire des bénéfices substantiels à moindre coût. En effet, il suffirait d'une connexion à Internet, un micro-ordinateur équipé d'un graveur de CD et le tour est joué. Du jour au lendemain, les entreprises spécialisées dans le domaine du «home cinéma» ont donc vu débarquer sur le marché des milliers de concurrents qui traitent d'égal à égal avec les plus grands dans ce domaine. Résultat: «c'est la jungle!», confie M.Ouarab, patron de la prestigieuse marque Soli (ex-Cadic). «Le premier qui se procure un film récent à succès se débrouille pour le dupliquer au plus vite, quitte à travailler sans relâche, le week-end et même la nuit. L'objectif est de vendre un maximum de copies avant les concurrents», poursuit-il, comme pour relever le caractère sauvage de cette même concurrence qui ne reconnaît aucune règle. Le même son de cloche est développé par un propriétaire de cybercafé qui affirme qu'il passe des nuits entières devant son micro à surfer sur des dizaines de sites à la recherche de «la perle rare». Celle-ci est présentée sous la forme d'un film susceptible d'intéresser le public algérien, généralement féru de productions américaines d'action ou de science fiction. «Dès que j'en repère un, c'est le jackpot!», révèle le jeune Malik qui avoue avoir constitué une large clientèle et fait pas mal d'argent grâce à la navigation sur Internet. «J'ai plein de potes sur le Net. Ils m'aident à me débrouiller des produits qui m'ont permis d'être un vrai professionnel dans le domaine», lance Malik avec un sourire malicieux qui en dit long sur le chiffre d'affaires non négligeable qu'il réalise grâce à «la toile» qu'il a tissée. Les «pirates» majoritaires En fait, ce jeune homme est loin d'être une exception dans le monde souterrain du VCD. M.Ouarab, l'un des rares à avoir réellement pignon sur rue dans le domaine, estime que «les pirates» sont majoritaires dans le créneau. «Ils brassent plus de la moitié du chiffre d'affaires global du business», soutient-il, tout en relevant le caractère diffus de cette activité qui se trouve être quasi incontrôlable. «Ils sont en fait des milliers à s'adonner à ce commerce, s'approvisionnant souvent de nos magasins, avant de dupliquer nos produits et les revendre à des prix sacrifiés, au vu du très faible investissement qu'ils font». En d'autres termes, ce sont des «parasites», se nourrissant des efforts d'éditeurs qui, eux, «ont tout de même consenti de lourds investissements pour garantir un produit de qualité et en quantités suffisantes», affirme le patron de Soli. Ce dernier classe le «monde du VCD» en trois catégories: «Si l'on peut schématiser, je dirais qu'il existe de vrais professionnels qui ont mis le paquet en termes financiers pour fructifier le métier. A côté, l'on enregistre de petites PME qui font dans le semi-industriel. Et il existe aussi une faune très importante d'artisans du VCD. Et ce sont eux qui dominent le marché. D'où l'impossibilité d'espérer un contrôle à plus ou moins moyenne échéance». Reconnaissant des tentatives de l'Office national des droits d'auteurs (Onda) de réduire le phénomène du piratage, M.Ouarab estime néanmoins ces efforts insuffisants, pour la simple raison que l'Office «se suffit de quelques opérations ponctuelles sans lendemain». Cependant, il affirme que le phénomène peut être gérable, pour peu qu'on y mette les moyens. Cela dit, des entreprises comme Soli, Soca et autres, mettent sur le marché national énormément de films, quelques jours seulement après leur sortie sur les grands écrans américains. La réglementation internationale est, pour ainsi dire, systématiquement bafouée, au grand bonheur d'ailleurs des cinéphiles algériens qui ont le privilège de visionner chez eux les dernières productions américaines avant les Américains eux-mêmes. En fait, les grands éditeurs, concurrence oblige, ont également mis en place des réseaux qui ont montré leur efficacité. Et pour preuve, des films comme Blad 3 sont actuellement disponibles dans les magasins alors qu'ils viennent à peine de sortir sur les écrans occidentaux. Ces réseaux sont constitués essentiellement de personnes «amis» vivant à l'étranger qui approvisionnent les éditeurs. Le mécanisme est assez simple en fait. Les «amis» enregistrent sur une petite caméra numérique les films dès leur sortie sur les écrans canadiens ou français et l'expédient aux éditeurs qui se dépêchent d'en faire un maximum de copies et les mettre sur le marché algérien. L'Etat absent Cette activité à la limite de la légalité internationale en la matière, répond tout de même à une réelle demande d'une jeunesse avide de cinéma et qui n'a d'autre moyen de satisfaire son hobby que de se rabattre sur le petit écran. Ce dernier est d'ailleurs le plus important concurrent du VCD. En effet, au niveau de plusieurs magasins visités lors de cette enquête, il a été constaté une explosion des ventes de ce genre de produit pendant la fameuse semaine où TPS a changé de code d'accès. Un indice parlant de l'importance qu'accorde les Algériens à ce type de divertissement, en l'absence de salles de cinéma et de réseaux de distribution répondant au standard international. En tout état de cause, les professionnels du domaine relèvent l'impossibilité de mettre en place une organisation efficiente, pour cause d'insuffisance de salles de projection. Il faut savoir, en effet, que les droits d'exploitation d'un film sont tellement onéreux en devises fortes, qu'il faudrait un dispositif national comprenant des centaines de salles pour rentabiliser la distribution en Algérie d'une superproduction. En d'autres termes, le marché du VCD a encore de belles années devant lui. Cela étant et au-delà de l'aspect pécuniaire que génère cette activité, les acteurs dudit marché mettent en avant le caractère culturel de leur profession. Ainsi, M.Drif, patron de Soca, estime que les professionnels du VCD occupent une place non négligeable dans l'environnement culturel national. «Notre métier consiste à ouvrir une fenêtre sur ce qui se produit par le monde, en termes de production audiovisuelle», soutient-il en insistant sur le fait que les éditeurs installés peuvent contribuer efficacement à la diffusion de la culture, si l'Etat prenait sérieusement en charge leur secteur d'activité. M.Drif interpelle les pouvoirs publics afin de doter l'Onda de véritables moyens, pour lui permettre de «faire le ménage» dans un monde qui, à force d'anarchie, donne la nette impression d'évoluer en marge de toute démarche gouvernementale cohérente en matière de culture. Pour le patron de Soca, il est très possible de tisser un pont entre les éditeurs nationaux et l'Etat dans la perspective de faire du VCD un outil qualitatif, pas seulement de divertissement, mais également au service de l'élévation du niveau culturel de la société. «Les moyens existent. Nous avons réalisé d'importants investissements, il reste seulement que nos efforts et ceux du gouvernement se conjuguent pour mettre en place une véritable politique de la diffusion des produits audiovisuels», affirme-t-il. En attendant, il semble que ce n'est pas demain la veille que la situation du VCD en Algérie connaîtra une évolution positive.