La nature du pouvoir en Irak est encore une fois apparue dimanche avec la liste des candidats retenus officiellement pour l'élection présidentielle du 17 juin prochain. Et selon toute vraisemblance, la voie est ouverte à l'ancien président, Ali Akbar Hachémi Rafsandjani, qui a déjà effectué deux mandats à la tête de l'Etat iranien. Les conservateurs, ainsi nommés par rapport à l'autre courant dit réformateur, mais qui ne peut rien entreprendre en raison du verrouillage des institutions, ne se sont pas privés pour reprendre tout le pouvoir depuis qu'ils sont majoritaires au Parlement. Les autres, quant à eux, ont tout juste le droit de parler de putsch ou de coup d'Etat. L'expression a été employée hier par ceux qui espéraient un quelconque changement. Ainsi donc, la présidentielle iranienne serait une simple formalité pour M. Rafsandjani malgré le risque de tensions intérieures. Les institutions iraniennes, habilitées à étudier les candidatures, ont annoncé dimanche soir avoir disqualifié, à l'exception d'un seul, tous les candidats réformateurs, à commencer par le seul qui semblait avoir quelques chances de contester la victoire à la droite, Mostafa Moïn. Le Conseil des gardiens de la constitution, un organe de surveillance ultra-conservateur non-élu, n'a validé que six candidatures sur 1014 : celles de l'ancien président, Akbar Hachémi Rafsandjani, réputé comme un conservateur pragmatique, de quatre conservateurs durs (tous anciens membres de l'armée idéologique) et d'un réformateur ultra-modéré, Mehdi Karoubi, lui-même un ancien dur. « Il s'agit d'un coup d'Etat, et le gouvernement qui sera mis en place sera le fruit d'un coup d'Etat, le président ne sera pas le président d'une République, ce sera un président désigné », a déclaré hier un des dirigeants du principal parti réformateur, le Front de la participation, qui présentait M. Moïn. « Il faut boycotter cette élection », a déclaré Mostafa Tajzadeh, ancien vice-ministre de l'Intérieur, aux quartiers de campagne de M. Moïn. Il a souligné que le Conseil des gardiens avait approuvé en 2001 la candidature de l'ancien ministre des Renseignements, Ali Fallahian, malgré la mise en cause de ses services dans des meurtres en série d'opposants et intellectuels. « Injuste, irrationnel et illégal », a commenté Moïn, irrité. Interrogé sur un appel au boycott, il s'est contenté de répondre : « Je ne participerai pas au vote. » Quant à dénoncer un « coup d'Etat », il a répondu que « c'est aux gens de juger si c'en est un ». Les partisans de M. Moïn devraient se réunir jeudi à Téhéran pour décider de la conduite à tenir, ont indiqué des porte-parole de la campagne. Les réformateurs et le Front de la participation sont déjà passés par là. Le Conseil des gardiens, une institution composée de six religieux et de six juristes ayant la haute main sur la validité des candidatures, en avait rejeté plus de 2000, pour la plupart des personnalités réformatrices, aux législatives de 2004. Aux conservateurs, qui contrôlent les institutions non-élues, la justice, les forces de sécurité, l'assemblée, la radio-télévision d'Etat, il ne manque plus que la Présidence. Ce qui semble en voie d'être réalisé, effaçant du coup l'illusion d'un changement de l'intérieur entretenue depuis l'élection de Mohamed Khatami en 1997. Après s'être heurté aux verrous institutionnels, ou encore au pouvoir réel, ce président réformateur a constaté, à son détriment, les conséquences de cette forte désillusion, soit de son propre électorat. Sa manifestation la plus évidente, mais aussi la plus remarquable, est la forte abstention dans une consultation majeure (50,57% de participation), les principaux partis réformateurs et les étudiants ayant décidé de boycotter le scrutin. Un premier appel collectif au boycott vient d'être signé par plus de 600 activistes et dissidents. La participation, enjeu majeur de légitimité pour le régime, « se situera à un niveau minimal », a prédit un conseiller du président Mohammad Khatami, Mohammad Ali Abtahi. Les événements « montrent qu'il existe un plan pour promouvoir une idéologie qui doit diriger le pays », a-t-il déclaré. Dans un communiqué, le seul réformateur restant en course, Mehdi Karoubi, a évoqué, lui aussi, « le soupçon » que le Conseil des gardiens a pris fait et cause « pour les intérêts d'un groupe unique ». M. Karoubi avait espéré « que le Conseil des gardiens se garde de disqualifications illégales et que ceux qui ont le système à cœur empêchent la répétition des amères expériences des élections au 4e et 7e Parlements ». En outre, la façon dont ont été annoncés les candidats qualifiés ne devrait pas contribuer à convaincre les quelque 48 millions d'électeurs de se rendre aux urnes. Selon Ali Chakouri-Rad, chef de campagne de M. Moïn, le Conseil des gardiens n'a pas pris la peine d'informer le ministère de l'Intérieur, auquel il aurait appartenu de rendre la liste publique. Ce qui donne sa consistance à l'accusation de coup d'Etat.