A trois jours du référendum, le non semble bien installé dans les sondages. Depuis trois semaines, il a même repris de la vigueur. L'institut Ifop le donne gagnant à 54%, un écart qui donne le tournis aux partisans du oui et du non, pour des raisons diamétralement opposées même si tout le monde s'accorde à dire que les sondages peuvent évoluer rapidement les derniers jours. Et c'est sans doute pour se donner toutes les chances que le camp du oui a décidé de mettre toutes ses forces dans la dernière bataille. Au risque d'arriver au résultat contraire, à cause de la saturation des Français. Après la deuxième sortie de l'ancien candidat malheureux aux dernières présidentielles et ex-Premier ministre, Lionel, c'est au tour du président de la République de s'adresser ce jeudi soir à la nation. L'exercice peut être périlleux tant Jacques Chirac a déjà fait part de nombreux arguments en faveur du oui dans différentes émissions télévisées. Que peut-il dire de plus pour convaincre les Français ? La popularité du chef de l'Etat, comme celle de son Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, est en chute libre et qu'une grande partie des électeurs favorables au non semble vouloir saisir l'occasion du référendum pour sanctionner le pouvoir et sa politique sociale et économique. Après avoir adressé des signes pour l'électorat de gauche lors de sa dernière intervention à la télévision en pourfendant l'ultralibéralisme, il a lancé des clins d'œil appuyés à sa droite en jugeant que l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne, sujet très sensible dans le camp des souverainistes, de l'extrême droite et dans la communauté arménienne très tentée par le non, peut être retardée grâce à la Constitution. Les négociations d'adhésion avec Ankara doivent s'ouvrir le 3 octobre et sont prévues pour durer au moins 10 ou 15 ans. A l'issue du processus, les Français se prononceront par référendum sur l'adhésion de la Turquie. Concernant le Premier ministre, qui frôle le record de l'impopularité, avec 22% qui lui font encore confiance, il apparaît plus comme un poids aussi bien à la droite qu'à la gauche favorable au oui. Les socialistes en ordre dispersé Le Parti socialiste a été rarement aussi divisé. Selon les différentes études, ses militants sont plutôt contre le Traité constitutionnel, jugé trop libéral. Le parti est coupé en deux : Henri Emmanuelli et Laurent Fabius sont en tête de file du non et François Hollande, secrétaire général, qui se bat pour le oui tout en essayant de maintenir vainement un semblant de discipline. 59% des électeurs de gauche s'apprêteraient à voter non le 29 mai, selon l'Ifop, et 60%, selon Ipsos. Parmi eux, entre 52% et 54% de sympathisants socialistes, selon les instituts. Et c'est le député des Landes, Henri Emmanuelli, qui semble avoir le vent en poupe. En rupture avec sa direction, il multiplie les attaques contre les partisans du non. « Mes camarades du Parti socialiste qui ne font pas la différence entre une Europe des actionnaires et celle des salariés, je leur laisse la responsabilité de ce genre d'erreur historique. » Depuis le début de cette semaine, la panique a gagné le camp du oui. Les principaux partis favorables au oui (UMP, PS, Verts et UDF) qui représentent près de 80% de l'électorat s'en remettent aux indécis. Le nombre d'électeurs toujours indécis ou pouvant encore changer d'avis reste relativement élevé. Ils seraient près de 33% à ne pas avoir encore tranché.