La seconde journée du colloque international, consacré à l'œuvre et à la pensée de l'Emir Abdelkader, a débuté au cimetière d'El Alia. Un recueillement sur la tombe du père de l'Etat algérien s'imposait, en ce 26 mai, pour commémorer la 122e année de son décès. Le programme s'est poursuivi à la Bibliothèque nationale du Hamma, où d'autres conférences étaient prévues. Ainsi, l'une des communications portait sur « l'Emir exégète », animée par Denis Gril, professeur de langue arabe et d'islamologie et membre de l'Institut de recherche et d'études sur le monde arabe et musulman. Selon lui, on occulte souvent l'Emir homme de Dieu au profit de l'Emir combattant et politique. Il est vrai que son action politique et guerrière a contribué à fonder la mémoire du peuple et de l'Etat, son exemple peut aider l'un et l'autre à relever les défis de l'heure. Mais, se demande l'orateur, dans quelle mémoire s'enracinent les Mawaqif (haltes spirituelles), autre versant de son œuvre ? Et quelle remémoration suscitent-ils en nous ? Quels défis relèvent-ils et pour quelle heure ? A travers des exemples d'interprétation, Denis Gril tente de démontrer comment les « haltes » de l'Emir, jaillis de l'inspiration coranique ramènent avant tout vers la source divine et prophétique et dépassent le cadre de l'exégèse habituelle, sans pour autant le contredire. Pour le conférencier, ce qui a permis à l'Emir de relever les défis de son temps avec tant de noblesse et de sagesse, c'est la conscience unifiée qui vient d'une conception universelle du divin et du monde. Des principes qui inspirent l'écriture de l'Emir et qui guident le lecteur vers la conscience que seule la science inspirée permet à l'homme d'atteindre sa propre réalité. Parce que la lecture métaphysique de l'écriture, « par son universalité et son actualité, concerne tous les fils du calife de Dieu, sur la Terre », conclut-il. Dans son allocution, intitulée « l'actualité de l'Emir », Eric Geoffroy , spécialiste du soufisme et de la sainteté en islam et membre du conseil français du culte musulman, dira que ce personnage est un modèle contemporain pour l'homme universel. Il suffit de se fonder sur quelques exemples précis de la vie de l'Emir : le règlement sur le traitement des prisonniers en temps de guerre, le sauvetage des chrétiens de damas, l'inauguration du canal de Suez... Le comportement de l'Emir est tout simplement inspiré par « l'unicité de l'être » et l'unité transcendante des religions. Des religieux chrétiens avaient été fascinés par l'humanisme spirituel de l'Emir, lors de son séjour en France, rappelle le conférencier. De son vivant, l'Emir Abdelkader incarnait « l'homme universel » tel que l'énonce la tradition soufie. Selon l'orateur, les jeunes musulmans de nos sociétés contemporaines, en Algérie, en France ou ailleurs, auraient tout intérêt à s'inspirer de ce modèle. Parmi les autres conférences animées : « El Ouma el mouhammadia et l'Emir », par Sanaâ Makhlouf ; « L'Emir, mémoire et identité d'une nation », par Abdelkader Boutaleb ; « L'Emir et la nahda », par Djamel Soltane, et « Les frères de l'Emir », par Abdelbaki Meftah. En marge du colloque, une exposition, inaugurée au premier jour et qui durera jusqu'à juin prochain, retrace la vie et le parcours de l'Emir Abdelkader. Un coin est réservé à quelques manuscrits et vieux livres, des biographies de l'Emir pour la plupart, qui semblent sortis du fin fond de la mémoire.