Alors que la situation économique du Maroc n'est pas au beau fixe, celui-ci fait face à une contestation sociale sans précédent. Les violents affrontements entre policiers et villageois la semaine dernière dans la ville d'Al Hoceima renseigne sur le malaise qui couve dans la société marocaine. Les habitants de cette ville rurale exprimaient leur mécontentement en raison du retard pris dans la reconstruction de leurs logements détruits par le séisme qui a frappé cette région en février 2004. Les forces de police ont violemment réprimé cette manifestation de protestation en utilisant des gaz lacrymogènes. Ainsi, ce qui devait être une simple marche pacifique organisée à l'appel de l'Association de Tamassint s'est transformé en émeutes. Cependant, si la police a réussi à ramener le calme, la tension reste palpable dans cette zone, la plus touchée par le tremblement de terre qui avait fait 628 morts, 926 blessés et plus de 15 203 personnes sinistrées. Cette manifestation intervient dans un contexte caractérisé par une montée au créneau de plusieurs voix discordantes qui critiquent la politique du gouvernement, notamment en matière de réforme. Le président du groupe parlementaire du Parti justice et développement (PJD) a estimé jeudi lors de son intervention au parlement où se déroulent les débats sur le bilan du gouvernement de Driss Jettou que les réformes économiques entreprises au royaume chérifien se sont soldées par un échec. Abdallah Baha s'est montré critique envers l'Exécutif, incapable, selon lui, de concrétiser les aspirations des citoyens et de satisfaire les besoins des catégories et des régions les plus pauvres et les plus marginalisées. Quelques jours auparavant, soit lundi dernier, le chef du gouvernement marocain, M.Jettou, avait présenté devant les deux chambres du parlement son bilan social et économique peu reluisant. Une nette décélération de la croissance économique et le recul de la satisfaction de la demande sociale ont marqué ce bilan et l'avenir s'annonce sous de mauvais auspices. Une tendance que confirme une étude de la direction de la politique économique générale (DPEG), la croissance économique en 2005 sera moins forte que prévu par la loi de finances, qui tablait sur au moins 3%. Il faut dire que les hausses des cours du pétrole sur les marchés internationaux ont augmenté la facture pétrolière du Maroc qui est également confronté au problème de la dette extérieure. La conjoncture est particulièrement défavorable dans le commerce extérieur où l'on a enregistré une baisse des exportations, plus précisément textiles, suite à la suppression des quotas dans le cadre de l'accord multifibres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). La politique de l'emploi du royaume chérifien fait elle aussi l'objet de critiques. En tout cas, elle n'est pas du goût des diplômés chômeurs de Rabat qui ont manifesté devant le parlement marocain jeudi dernier. La police a dû intervenir pour faire disperser la foule. Selon les agences de presse, des dizaines de manifestants ont été blessés et trois autres ont été arrêtés lors de ce sit-in organisé par le collectif des diplomés-chômeurs. Ce vent de contestation sociale qui souffle sur le pays embarrasse manifestement les hautes autorités du pays de Mohammed VI. La réaction de la police est en effet symptomatique d'une crise multidimensionnelle qui prend de plus en plus de l'ampleur.