la demeure des Boubnider n'a pas désempli depuis l'annonce du décès du colonel Sawt El Arab. Dans l'après-midi d'hier, des parents, des proches, des alliés et même de simples citoyens anonymes affluaient vers le domicile mortuaire. A 15 h, la famille Boubnider servait toujours le repas qu'on prépare dans de telles circonstances. A table, des gens de condition modeste, en majorité des ouvriers en fonction dans le site du Club des Pins. Mourad, le tout dernier du défunt, reçoit les condoléances. « Ce sont ces gens-là qu'affectionnait mon père. Enfant du peuple, il ne se sentait à l'aise qu'avec le peuple », dit-il à notre adresse avant de nous recommander au moudjahid Belkacem Fantazi. « J'ai connu Salah au maquis. A cette époque, il secondait Ali Kafi, mais étant en quelque sorte le véritable patron de la Wilaya II tant il se distinguait par ses capacités de gérer le terrain », se souvient celui qu'on appelait Si Soufi. Un proche du disparu interpelle le moudjahid sur la signification du pseudonyme Sawt El Arab. « Si Salah ne cessait pas d'entonner des chants patriotiques afin de relever le moral des troupes. Sa voix ne laissait personne indifférent, cela nous donnait la chair de poule. Et c'est ainsi qu'on l'a affublé de ce sobriquet », explique-t-il. Comment se comportait-il avec ses djounoud ? « Il partageait son repas, il refusait tout traitement de faveur. Le confort des moudjahidine passait avant le sien. Si Salah est de cette catégorie de paysans, au sens noble du terme, qui ne se prenaient jamais la tête. » Le témoignage sera enrichi par le moudjahid Abdelaziz Khalfallah, dit Si Mostefa, qui a été son secrétaire au PC de la Wilaya II, avec le grade d'officier de zone. « Il n'aimait pas les privilèges. Et il les dénonçait furieusement, surtout par rapport à certains PC de wilayas qui se sont “embourgeoisés” entre 1954 et 1958. Si Salah n'était pas tapi dans un trou douillet, il circulait de douar en mechta, il n'aimait pas les gardes prétoriennes. Je l'accompagnais souvent dans ses déplacements. Un jour alors que nous marchions, seuls, dans une zone dénudée, donc repérables par l'ennemi, il pressait le pas pour me devancer, en me lançant ceci : ‘'Si je meurs, ma succession ne posera pas de problème. Tandis que toi, la Révolution en a grandement besoin, tu es instruit''. » Le moudjahid évoque par la suite une confidence : « Il avait horreur des salons, il continuait jusqu'à récemment à fréquenter des gargotes. Il raffolait des plats à base de pois chiches. »