Entretien paru dans El Watan Spécial 50e anniversaire du 1er Novembre 1954 (31 octobre 2004). La Wilaya II a échappé à la terrible vague des « purges ». Comment cela a-t-il été possible, quand on connaît les ravages qu'elles ont causés dans les rangs de l'ALN ? C'est peut-être une chance, mais personnellement, je la mets au crédit d'un homme que je considère comme l'un des plus intelligents chefs que j'ai connus. Je veux parler de Saout El Arab, Salah Boubnider. Mais ce n'est peut-être pas le seul, Ali Kafi qui était en charge de la Wilaya II et lui se consultaient, mais aussi avec les autres camarades (...) Les purges ont touché la Wilaya III, puis elles ont débordé un peu sur la Wilaya IV. Mon analyse personnelle, elles ont été victime d'une ruse de guerre. Les Français ont jeté le doute dans l'esprit de ces chefs. Ceux-ci ont marché. Cela a été terrible. Cela dit, il faut toujours se rappeler que, de notre côté aussi, nous avons eu notre ruse de guerre, dans l'affaire de L'oiseau bleu. Je crois en mon âme et conscience qu' Amirouche a été victime d'une ruse de guerre... L'ennemi a essayé de noyauter pareillement la Wilaya II. Un jour, on voit débarquer d'un hélicoptère quelqu'un. La population et les djounoud ont vite fait de le capturer. On le fouille et on trouve sur lui une lettre adressée à un chef de secteur de Constantine. La lettre disait en substance ceci : « Bravo ! Tu continues, le contact, etc. » Une lettre destinée à leurrer celui qui la lit, et faire croire qu'il y a un traître qui renseigne l'ennemi. Qu'est-ce que nous faisons ? Nous apportons la lettre au chef de Zone en question. Il s'appelait Larbi Berredjem. Ce dernier est un vieux militant, mais de peu de formation. Il convoque la personne mise en cause dans la lettre et l'entrave. Fort heureusement le médecin de la wilaya arrive. C'était le professeur Toumi. Il constate les faits. Sur ce, arrive Salah Saout El Arab. Il regarde la personne en question et s'étonne. C'est un cadre de Constantine. « Qu'a-t-il fait ? Pourquoi est-il attaché ? » Si Larbi tire la lettre et lui dit : « C'est un traître. » Que fait Saout El Arab ? Il prend la lettre, la froisse et la jette dans le feu, sans y prêter le moindre regard. « L'ennemi se moque de toi. Si cet homme est un traître, alors dans ce cas nous sommes tous des traîtres », a dit Saout El Arab, qui était à l'époque le chef de la Wilaya. Lamine Khène, officier de la Wilaya II.