Un témoignage de Lamine Khène : « C'est peut-être une chance, mais personnellement, je la mets au crédit d'abord d'un homme que je considère d'abord comme un des plus intelligents des chefs que j'ai connus. Je veux parler de Saout el Arab, Salah Boubnider. Mais ce n'est peut-être pas le seul... Les purges ont touché la Wilaya III puis, elles ont débordé un peu sur la Wilaya IV. Mon analyse personnelle c'est que nos chefs ont été les victimes d'une ruse de guerre. Car ce n'est pas autre chose qu'une ruse de guerre. Les Français ont jeté le doute dans l'esprit de ces chefs. Ces derniers ont marché. Cela a été terrible. Cela dit, il faut toujours se rappeler que, de notre côté aussi, nous avons eu notre ruse de guerre avec l'affaire « Oiseau bleu ». Je crois en mon âme et conscience que Amirouche a été victime de cette ruse. Allons demander à quelqu'un qui se serait trouvé dans son cas qu'est-ce qu'il aurait fait ? Personne ne peut répondre. Ce n'est qu'après coup qu'on viendra dire ‘‘Ah, moi j'aurai...'' Alors de ce côté là silence ! L'ennemi a essayé de noyauter pareillement la Wilaya II. Un jour, on voit débarquer d'un hélicoptère quelqu'un. La population et les djounoud ont vite fait de le capturer. On le fouille et on trouve sur lui une lettre adressée à un chef de secteur de Constantine. La lettre disait en substance ceci : ‘‘Bravo, tu continues le contact ...'' Une lettre destinée a leurrer celui qui la lit et faire accroire qu'il y a un traître qui renseigne l'ennemi. Qu'est-ce que nous faisons ? Nous apportons cette lettre au chef de zone en question. Il s'appelait Larbi Berredjem. Ce dernier est un vieux militant, mais de peu de formation. Il convoque la personne mise en cause dans la lettre et il l'entrave. Fort heureusement, le médecin de la wilaya arrive. C'était le professeur Toumi, il constate les faits. Sur ce, arrive Salah Saout El Arab, il regarde la personne en question et s'étonne. C'est un cadre de Constantine, ‘‘qu'a-t-il fait ? Pourquoi est-il attaché ?'' Si Larbi tire la lettre et lui dit que c'est un traître. Que fait Saout El Arab ? Il prend la lettre, la froisse et la jette dans le feu, sans y jeter le moindre regard. ‘‘L'ennemi se moque de toi. Si cet homme est un traître alors dans ce cas nous sommes tous des traîtres'', a dit Saout El Arab, qui était à l'époque le chef de la wilaya. Le hasard fait bien les choses quelquefois. On amène l'homme qui a été héliporté jusqu'à nous. Il se trouve être un jeune de la région de Bordj Menaïel, du même village que le professeur Toumi. Il nous a appris que les militaires français lui ont mis une lettre dans la poche et l'ont conduit en hélicoptère. Nous lui avons proposé de retourner à Bordj Menaïel, il a refusé par peur de se faire à nouveau embarquer par l'armée. Il a préféré rester avec nous. » Voir El Watan du 31 octobre 2004. Supplément Spécial 50e anniversaire