Si l'année dernière, lors de la clôture du festival européen, tous les fans de Gnawa Diffusion n'ont pas pu assister à son concert pour saturation des places, cette année les pénalisés ont été servis. Le spectacle s'est déroulé en plein air, mardi soir, à l'Agora de Riadh El Feth. Le tomber de rideau du Festival culturel européen s'est ponctué d'un invité de marque, Gnawa Diffusion. Une ambiance des plus ardentes régnait dès 17 h à Riadh El Feth. Une heure plus tard, il était pratiquement impossible de se frayer un chemin ou encore trouver une place. Il fallait jouer des coudes pour prétendre à un bon champ de vision. L'espace central de l'Agora et les deux niveaux grouillaient de monde. Les 140 vigiles et les 40 policiers étaient à pied d'œuvre pour veiller au bon déroulement du spectacle. Ponctuel, à 19 h, le groupe fait son entrée sur scène sous un tonnerre d'applaudissements et des youyous nourris. « Salam Alikoum, haoultouha oulala », lance le leader du groupe, Amazigh Kateb, sur un ton fraternel à la jeunesse en délire. Tout le monde se lève pour saluer dignement le groupe grenoblois. Vêtu d'une tenue en chèche bleu, la tête enturbannée, Amazigh donne le tempo à ses acolytes. La foule en délire crie, tente de s'approcher des artistes, mais, acte sublime de respect, s'arrête et contemple le fils de Kateb avec envie. Ce dernier est déjà entraîné par les sonorités de sa musique entraînante. Il commence son répertoire par El Salem Alikoum suivi d'autres titres phares Kankani, Ya Laymi, Ouvrez les stores, Bab El Oued-Kingston, Mandanga, Match Bettikh, Visa vie, Bahia, Douga Douga. Les corps ne répondent plus. Ils vibrent. Imperturbable, la formation a fait fi de la fine pluie qui commençait à s'abattre et du vent qui soulevait poussière et sachets noirs. La formation se retire un laps de temps pour laisser place au performant orchestre du groupe de pénitencier d'El Harrach, sous la direction de son directeur. Deux chanteurs ont éclos au parfum du jour. Il s'agit de cheb Mohamed Essaghir et cheb Lyès. Gnawa Diffusion réinvestit la scène de plus belle. Toutes les influences sont mêlées : reggae, châabi, funk et musique gnawi. Tout au long des deux heures et demie de spectacle, le public s'accrochait aux lèvres de l'enfant rebelle. Ce dernier demande à chaque fois à ses fans d'exécuter avec lui certains morceaux. La communion est totale. Avec rage, Amazigh chante l'engagement social et la liberté. Comme il aime à le préciser, sa langue est rugueuse, « ce n'est pas celle de la poésie ou de la musique, c'est la langue de la rue ». A 21 h 15, Amazigh annonce la fin du spectacle. Le public ne l'entend pas de cette oreille. Comme pour mieux le convaincre, il dit sur un ton ironique : « Vous savez que vous êtes dans un gouvernement qui a peur de moi. » Des ovations s'ensuivent. L'artiste remet son gumbri en entonnant de plus belle Sabrina et Je voudrais être un fauteuil dans un salon de coiffure dames. La foule s'est dispersée, contente d'avoir assisté à un tel concert, mais frustrée de quitter un talentueux artiste qui lui a offert un gnawi acoustique aux percussions métalliques du karkabou.