Dans une ambiance festive, l'âme de Gnawa Diffusion a plané, mardi dernier, à l'Agora de Riadh El Feth. Comme promis l'année dernière par Lucio Guerrato, l'organisateur du festival culturel européen, le groupe Gnawa Diffusion est revenu, cette année, clôturer ce festival en plein air et à forts décibels. A 18 heures, l'Agora de Riadh El Feth était déjà pleine de jeunes gens venus crier leur ras-le-bol ou tout simplement chahuter en s'amusant et faire les fous. C'était bel et bien le cas. Cette année, en effet, on n'y reviendra pas déçus. On s'assoit comme on peut, on se fraie un chemin parmi la foule jusqu'aux alentours de la scène ou bien on monte d'un étage pour apprécier le spectacle. Mais enfin, on est venu pour passer de bons moments. Ce n'est pas le moment de chicaner. La gnawamania attitude est dans l'air. Le public jeune, impatient, scande des slogans, tape des mains ou sur des karkabous, histoire de se chauffer un peu. Lucio Guerrato monte sur scène et annonce la clôture du festival et son pari tenu, vite dit, vite fait, et voilà Gnawa Diffusion qui arpente fièrement le podium de la scène sous un tonnerre d'applaudissements. Amazigh Kateb, foulard orangé soutenant une chevelure fournie, est accompagné de sa bande de musiciens. Il entame Eryou. Le public est déchaîné. Il poursuit sur un ton corrosif, pourfendeur du système avec Briya ganwia sur un ton chaâbi, gnawi, reggae. Amazigh nous invite à le suivre sur sa planète Babelouad Kingstone. Le ton acerbe monte d'un cran. Amazigh militant des causes justes, épingle Ben Laden et dénonce l'intrusion des Américains en Irak. A leur adresse, ce message clair : Run Away, rappelé à l'ordre par un public en délire, Gnawa Diffusion interprète quelques-uns de ses meilleurs morceaux dont le fameux titre de son dernier CD Match Betikh qui mis à mal le président et sa politique d'El Wiam. Les textes sont tranchants, sans concessions que viennent soutenir des roulements de percussions tonitruants comme un appel vertigineux d'un retour aux sources. L'ambiance est chaleureuse, joyeuse autant qu'électrique par moment. Et oui, des bousculades et des bagarres «explosent» par moments ici et là pour s'évanouir après et laisser place de nouveau au seul son énergique de la musique et ses chants contestataires. La musique est faite pour réunir et non pour diviser, l'a si bien compris Amazigh. Et puis, une surprise: «On les a fait sortir de prison exprès pour vous!», scande Amazigh. Se met en scène un groupe de détenus de la prison d'El Harrach. Des musiciens qui jouent depuis 4 ans et même ont 2 CD à leur actif. Quelques standards de raï et revoilà le groupe Gnawa Diffusion qui met derechef le feu à l'Agora de Riadh El Feth. Sabrina, Algeria et Barakat, quelques morceaux aussi profonds que mélodieux et c'est la fin de la soirée. On se disperse avec en tête, toujours ces rythmes de gnawas qui nous collent à la peau... Ouf ! Il n'a pas plu ou du moins, les quelques gouttes de pluie n'ont pas eu raison, heureusement, sur le bon déroulement du concert. Après celui-là, le groupe qui fête ses 13 ans cette année, repartira sur les routes propager sa bonne parole dans le monde. Plusieurs dates l'attendent pour une meilleure diffusion de cette musique qui tire son essence thérapeutique des gnawas. Une confrérie qui puise son nom du peuple de l'empire de Guinée (Soudan, Mali, Sénégal, Guinée), amenée au Maroc et en Algérie au XVIe siècle par les riches sultans de l'Afrique du Nord.