Les Gnawa Diffusion sont revenus de leur pause avec une idée fixe : chanter la femme. Le troisième essai était le bon. Les Gnawa Diffusion ont finalement pu mener leur concert à terme mardi soir à l'Agora de Riadh El-Feth, en clôture du 6e Festival culturel européen, malgré les nuages gris et menaçants, accrochés au ciel, les rixes entre bandes rivales venues des ghettos alentours et le matraquage anti-“houkouma” pratiqué par un gumbri râleur et des slogans hostiles à tout ce qui porte un uniforme. L'année dernière, à la même date, une pluie malvenue avait contraint la bande à Amazigh Kateb à se déporter vers la salle Ibn-Zeydoun, empêchant ainsi une bonne partie du public d'assister au concert. Quelques mois plus tard, la mort (pourtant annoncée) du leader palestinien Yasser Arafat avait entraîné l'annulation d'un deuxième spectacle — deuil national oblige — à la salle Harcha, à quelques minutes de son lancement. La malédiction a donc vécu. Un Amazigh Kateb aux cheveux hirsutes, face à une foule tous keffiehs palestiniens et chèches dehors, rend d'abord grâce à Dieu pour avoir permis la rencontre à travers Guelb ou dem (cœur et sang), un morceau mystique qui arrive en queue de peloton dans Souk System, dernier album studio en date du groupe, sorti depuis déjà 4 ans. Suit une salve de diatribes dans un métissage musical qui brasse large, où même le country et le rock ont tenté quelques percées, mais à tous les coups surclassés par le son des karkabous et du gumbri, cris stridents et grondements souterrains venus des temps pas si lointains de l'esclavagisme interafricain. Le raï a aussi eu droit de cité, ce soir-là. Gnawa, qui est passé lundi dernier par la case prison le temps d'un concert dans les murs du centre pénitentiaire d'El-Harrach, a invité un groupe de prisonniers musiciens à prendre l'air sur l'Agora. Réunis sous le nom Espoir, ils ont pu, armés de karkabous et de trompettes, tirer… profit de leur présence sur scène pour rappeler à qui veut l'entendre qu'il existe encore autre chose que le raï synthétique des cabarets improbables. “C'est le premier groupe de prison au monde”, annonce, enthousiasmé, l'encadreur (ou manager ?) d'Espoir. Depuis quatre ans qu'elle s'est constituée, la formation a réussi à sortir deux albums, malgré les difficultés de mouvement (ou ont-ils enregistré ?), le premier date de 2004 et le second de quelques jours. Réapparus sur scène, les Gnawa diffusion sont revenus de leur pause avec une idée fixe : chanter la femme. D'abord Sabrina, chanson d'amour, tout bien tout honneur, parfumé au “gaz naturel”. Ensuite, Salon de coiffure pour dames, hommage tendre mais lubrique à “B'net Bledi” (filles de mon pays). 21h30, fin du concert. La foule se dissout. Subsiste la reconnaissance pour un concert offert gracieusement par la délégation officielle de la Commission européenne, partenaire privilégié d'une Algérie que Gnawa Diffusion fustige. Djamel Belayachi