Il arrive que le propriétaire d'un ou plusieurs biens souhaite, de son vivant, régler en partie ou en totalité la répartition de son patrimoine entre ses héritiers et ayants droit parties prenantes à sa succession. Dans le cas volontairement simplifié d'une maison d'habitation, son propriétaire veut bien en faire donation à ses proches, épouse et enfants, mais à la condition de pouvoir se réserver le droit de l'occuper sans restriction ni contrepartie, ce courant une période à convenir, voire jusqu'à sa mort. Et s'il lui plaît de donner ce bien en location, c'est lui - et lui seul - qui en percevrait (et profiterait) les revenus locatifs. Une telle hypothèse est tout à fait envisageable sous certaines conditions, comme l'obligation de respecter strictement les proportions de répartition prescrites par les articles 144 et suivants du code de la famille, de la « nue-propriété » attachée au bien concerné : c'est ce que les juristes appellent le « démembrement du droit de propriété » régi par le code civil sous les articles 844 et suivants. A l'attention des profanes : il faut préciser que le droit dit de « pleine propriété » que l'on peut légitimement avoir sur un bien acheté, créé par soi-même ou reçu par voie de donation entre vifs ou encore par suite d'une succession, est composé de deux parties susceptibles d'être séparées en « nue-propriété » d'une part et en « usufruit » d'autre part. La vue-propriété donne à son titulaire un seul droit : celui de disposer du bien à l'exclusion de son usage et de sa jouissance. En revanche, l'usufruit confère à son détenteur le droit d'usage sur le bien (utilisation matérielle) et celui de profiter, seul, de tous les avantages dits « fruits » au sens large de celui d'en disposer qui appartient comme précisé précédemment au nu-propriétaire. Quels sont les biens que l'on peut « démembrer » ? Il n'existe aucune limitation en fait et en droit : il faut seulement que le propriétaire les possède personnellement en toute légalité. Juridiquement, on distingue deux catégories de biens : ceux qualifiés « immeubles » et ceux dits « meubles ». Sont immeubles : les « fonds de terre », terrains, arbres et fruits non encore coupés ou cueillis, récoltés non séparées du sol, matériaux non encore extraits d'une carrière... ; les constructions et bâtiments : maisons, appartements, ponts, baraquements fixés au sol, digues, barrages, chalets même en forme d'éléments démontables, pylônes, lignes aériennes électriques... En droit civil, il est fait une distinction principale des immeubles : ceux retenus comme tels selon leur destination et ceux considérés d'après leur objet. Pour les premiers, ce sont d'abord ceux qui viennent d'être décrits ainsi que ceux qui, bien qu'en apparence sont des meubles, deviennent accessoirement immeubles en raison de leur nécessaire affectation définitive aux immeubles en vue de l'exploitation de ces derniers : ascenseur, chaudière, etc. Ou encore par leur destination ornementale, ce qui est le cas par exemple de glaces fixées à des boiseries, tableaux en forme de panneaux, statuts scellées, etc. Est immeuble par l'objet auquel il s'applique, le droit dit réel qui porte sur un immeuble (en exceptant le droit de propriété), par exemple l'usufruit se rapportant à un immeuble, la servitude qui en principe ne porte que sur un immeuble. Pour les biens « meubles », on distingue ceux qui le sont du fait de leur nature : toutes les choses tangibles susceptibles d'être « déplacées », donc utilisables partout, dits « meubles meublants », tels que mobilier, machines, navires, numéraire, etc. A noter que les valeurs mobilières émises par une entité : bons du Trésor, titres de participation dans le capitale d'une société (actions), titres de placement comme les bons de caisse, les obligations... sont des biens meubles dont le droit de pleine propriété peut faire l'objet d'un démembrement. Sont également des biens meubles ceux qui n'ont pas une consistance matérielle dits « incorporels » qui sont en fait des droits réels autres que ceux portant sur la propriété relative à un bien meuble, comme par exemple l'usufruit, les droits de créance, les éléments patrimoniaux des droits intellectuels. Il est prévu par la loi des droits et des obligations que l'usufruitier se doit de connaître et de respecter. Ainsi, il peut donner en location le bien soumis à son usufruit, et si par exemple celui-ci porte sur une créance, c'est lui qui en encaissera le montant à l'échéance. Il lui incombe de jouir du bien « en bon père de famille », expression du vocabulaire juridique qui signifie qu'il doit faire preuve de prudence et de diligence, autrement dit administrer avec le plus grand soin le bien objet de l'usufruit. De même qu'il est tenu de supporter (celles dites de « grosses réparations » étant supportées par le nu-propriétaire), ainsi que les impôts et taxes, comme la taxe foncière et l'IRG au titre des revenus générés par le bien : les loyers si le bien est donné en location et dont il a encaissé le montant. En ce qui concerne les titres sociaux comme les actions d'une SPA, les dividendes qui leur correspondent reviennent à l'usufruitier et c'est donc celui-ci qui dispose du droit d'assister (et de voter) aux assemblées générales ordinaires annuelles des actionnaires. Quant aux assemblées générales extraordinaires, le droit d'y participer et le droit de vote reviennent au nu-propriétaire. On retiendra qu'au terme de l'usufruit, le droit de pleine propriété se reconstitue systématiquement au profit du nu-propriétaire. Le déroulement pratique du processus de démembrement est une opération simple qui peut intervenir soit : lors de l'acquisition d'un bien auquel cas une partie de la famille (par exemple les enfants et/ou l'épouse) achète la nue-propriété, l'autre partie (par exemple le père) achète l'usufruit ; dans le cadre d'une vente ou d'une donation (par exemple, le père, titulaire de la pleine propriété, réserve l'usufruit pour une durée précise ou jusqu'à sa mort). Les démembrements du droit de propriété, domaine des juristes spécialistes en droit des affaires parfaits connaisseurs de la pratique de gestion du patrimoine sont en vogue en France où ils sont utilisés pour échapper (ou amoindrir) à la charge fiscale découlant de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ou encore pour résoudre, par anticipation, les effets d'une succession sous ses différents aspects juridiques et fiscaux. De nombreux ouvrages sont consacrés au sujet et un diplôme de 3e cycle a même été créé sur le thème « Gestion du patrimoine » ; l'université de Clermont-Ferrand s'est spécialisée dans la formation correspondante. Par ailleurs, il en est beaucoup question dans certains pays islamiques où le droit de la famille, à l'instar du nôtre, est fondé sur la charia. Les montages sont le fait de juristes spécialisés ; ils sont orientés en direction de répartitions égalitaires des biens au profit des futurs héritiers et ayants droit... sans distinction de sexe.