Successions bloquées, litiges entre héritiers, détournement de succession dans les familles recomposées, la spoliation d'héritage sont autant de dossiers qui mettent en exergue l'existence d'une situation douloureuse vécue par les héritiers. Plusieurs lettres nous parviennent chaque semaine de personnes qui attendent une solution à leurs problèmes liés à l'héritage qui persistent. En effet, une grande partie des successions se trouvent bloquées chez les notaires et les cours de justice durant de longues années pour de nombreuses raisons, la plus fréquente relevant des conflits d'intérêts entre les héritiers et le déblocage de ces successions nécessite souvent l'intervention d'un avocat compétent en droit de la famille. Cependant, rares sont ceux qui pourraient supporter les frais et droits de concession qui sont très lourds et qui peuvent parfois conduire à vendre à perte des biens immobiliers pour s'acquitter de ces droits. C'est à partir de cette situation que beaucoup de personnes sont dépouillées de leurs biens qui devraient leur être légués. Scandalisés, plusieurs lettres de citoyens nous parviennent de différentes régions d'Algérie où ils relatent leurs problèmes relatifs à l'héritage. L'un de ces citoyens s'adresse à “ceux qui connaissent ou pratiquent le droit musulman, particulièrement le code de la famille promulgué par la loi N°84-11 du 09 janvier 1984”, et selon lui, “il concerne donc les professeurs de droit, les notaires chargés d'établir les frédhas, les avocats et les cadis”. Dans cet appel, l'auteur de la lettre “s'intéresse à une large frange de connaisseurs, pour permettre à une famille de régler un problème d'héritage qui traîne depuis des années auprès des tribunaux”. Il raconte dans sa missive que cinq notaires au total n'arrivent pas à s'entendre sur la manière de faire le partage, conformément au code de la famille, et ce depuis 1999. “Le défunt (père et grand-père) est décédé en 1998 et a laissé comme descendance : un 1er enfant vivant, un 2e décédé en 1990, laissant derrière lui 3 filles et 2 garçons, un 3e fils décédé en 1996 laissant une fille, un 4e enfant vivant et un 5e décédé en 2000, célibataire. Le problème consiste à partager l'héritage du défunt entre, d'une part, ses deux enfants toujours en vie et, d'autre part, les petits-enfants dont les pères sont décédés avant lui. Pour faire le partage, le code de la famille prévoit pour ce cas précis, dans son article 169, que les petits-enfants prennent les parts de leurs pères, et l'article 170 limite cependant celles-ci à un tiers de la succession du défunt. L'article 172 donne au garçon le double de ce que prend la fille, et l'article 144 accorde à la fille unique la moitié de ce qui revenait à son père dans le cadre du tiers revenant à tous les petits-enfants. Pour matérialiser juridiquement le partage, une frédha est établie par le notaire”, explique-t-il. “Depuis 1999 à ce jour, entre celles commandées par nos soins et celles demandées par le tribunal et la cour d'appel, cinq frédhas et expertises ont été établies. En résumé, trois ont été rédigées en partageant l'héritage en 70 parts, attribuant à parts égales aux cinq enfants du défunt 14 parts chacun, les petits-enfants dont les pères décédés avant leur grand-père, prenant la part revenant à leurs pères respectifs. C'est à croire que ces trois notaires se sont donné le mot pour que le partage se fasse de la même façon. Par ailleurs, ces frédhas ou expertises ne mentionnent pas les articles du code qui permettaient le partage de cette manière.” Ce citoyen se demande aujourd'hui “pourquoi il n'y a pas de références aux articles du code, ce qui nous aurait permis de vérifier leurs écrits ? Ont-ils fait ce travail par méconnaissance du droit en la matière ou sur la base d'une loi non écrite dont ils sont les seuls à connaître le contenu. Par contre, les deux autres notaires ont rédigé leurs frédhas en mentionnant les articles 169, 170, 172, 144 du Code de la famille qui donne un tiers de la succession aux petits-enfants dont les pères décédés avant leur grand-père. Par ailleurs, nous aimerions savoir si les magistrats chargés de juger le litige sont autorisés par la loi à contrôler le contenu de la frédha et à la redresser à leur niveau si elle n'est pas conforme à la loi ? Ou bien se contentent-ils de désigner à chaque fois un expert, puis un contre-expert pour finalement laisser glisser l'affaire vers la Cour suprême dont les magistrats sont seuls habilités à juger sur le fond, quitte à faire un cas de jurisprudence, bien que les articles du code de la famille soient nets et clairs dans ce cas précis. Il s'agit donc de répondre à toutes ces questions afin qu'une véritable justice soit rendue conformément au droit et mettre fin à ce calvaire qui dure depuis des années. En ce moment nous attendons la désignation par la cour d'appel d'un sixième notaire, pour une sixième frédha ou expertise. En attendant, les parties en cause continuent à payer les honoraires des avocats et les expertises à 10 000 dinars pièce”. Malgré l'existence d'une batterie de lois régissant ce genre de contentieux, le règlement de ce type d'affaires reste très délicat à trancher au niveau des tribunaux, en raison de la complexité et de la sensibilité de la question.