La salle Ibn Khaldoun a abrité, dimanche dernier, un récital d'une heure et demie du célèbre poète palestinien Mahmoud Darwiche. Durant cette soirée, il a gratifié le public de vingt-cinq de ses poèmes libres ou rimés. La paix, la terre, la liberté, l'amour, la vie, la mort et tout ce qui touche l'être humain inspire cette œuvre monumentale édifiée dans les chamboulements de l'histoire et qui traverse ses avatars non sans séquelles. Des séquelles nécessaires qui se métamorphosent dans la douleur en mots. Lesquels portent le pathétique de leur auteur. Passagers de la parole fictive Prenez vos noms et partez Prenez ce que vous voulez de l'azur marin pour reconnaître la mémoire Prenez ce que vous voulez pour comprendre Que vous ignorez Comment la pierre de notre terre construit la voûte céleste Passagers de la parole fictive Il est temps pour vous de partir Installez-vous où vous voulez Sauf parmi nous (...) Darwiche cisèle ses mots pour la paix parce qu'il connaît la guerre. Il écrit néanmoins non sans ce lumignon d'espoir : Dimanche est le premier jour de la guerre (...) Le temps peut changer les habitudes Alors, il se pourrait qu'un dimanche Se taira l'hydre de la guerre. Et dit plus loin dans un autre poème : N'oublie pas la pitance de la colombe N'oublie pas Pense à ceux qui ont perdu leur droit à la parole. La voix du poète égrène des vers d'amour dans Kamasutra à travers lequel il décrit les sentiments d'un homme attendant en vain sa dulcinée. Peut-être est-elle morte ? Peut-être est-elle partie avec quelqu'un d'autre ? Ainsi sont entre autres questions qui vrillent sa tête en la circonstance. Enfin, il se dit : La mort n'aime pas attendre Et moi, comme la mort, Je n'aime pas attendre. L'âme erre égarée dans les spirales de la méditation. Le monde réel miroite des images qui nourrissent des questions auxquelles il ne sert à rien peut-être de répondre. Quand deux fantômes se rencontrent Dans un désert Et-ce que c'est pour se partager le sable Ou monopoliser la nuit ? Difficile de répondre. Et puis, pourquoi une telle question. Ce qui est sûr est que la poésie procure de la quiétude et adoucit. Mahmoud Darwiche l'a merveilleusement illustré en cette soirée, tout en lançant à ceux qui en veulent aux mots : Pouvez-vous apprendre un peu de poésie Pour arrêter le massacre ?