La brève visite effectuée mardi dans la région du Maghreb par le secrétaire espagnol aux Affaires étrangères avait permis de relever à quel point la situation était préoccupante au Sahara-Occidental. Mais ce n'était là qu'une évidence qu'il n'était pas inutile de rappeler. Mais est-ce l'unique intérêt d'une tournée effectuée dans l'urgence il est vrai par le numéro deux de la diplomatie de l'ancienne puissance occupante ? Après le constat d'impasse dressé récemment par le secrétaire général des Nations unies, il était attendu des actions hardies susceptibles de lever les blocages entravant l'application du plan de paix de l'ONU, mais rien ne semble envisagé, ou plutôt si, puisque l'Espagne demeure attachée à l'idée de solution politique comme l'a réaffirmé Léon Gros Bernardino mardi à son arrivée à Alger. C'est ce qu'il a fait également à l'issue de sa rencontre à Tindouf avec les dirigeants sahraouis en soulignant que « l'Espagne est très préoccupée par la situation dans les territoires sahraouis occupés et ne peut, par conséquent, œuvrer pour le règlement du conflit au Sahara-Occidental dans une atmosphère de violence ». Le responsable espagnol a également exhorté « toutes les parties dans les territoires occupés à retourner au calme », comme il a exhorté « les deux parties en conflit, le Maroc et le Front Polisario, à trouver une solution politique » au problème du Sahara-Occidental. Selon l'agence de presse sahraouie SPS, les entretiens entre le chef d'Etat sahraoui et M. Bernardino ont porté sur « la responsabilité historique et morale de l'Espagne dans la décolonisation du Sahara-Occidental ». M. Bernardino, qui effectuait sa troisième visite dans les camps de réfugiés sahraouis, s'était entretenu avec des membres de la direction politique sahraouie. Une précédente visite de M. Bernardino dans les camps de réfugiés sahraouis a eu lieu en août 2004, cinq mois après l'accession des socialistes au pouvoir en Espagne. Il avait alors souligné que « l'unique plan » pour le règlement du conflit au Sahara-Occidental « c'est le plan Baker », rappelle SPS. M. Bernardino faisait référence au plan élaboré par James Baker, ancien envoyé personnel du secrétaire général de l'Onu, Kofi Annan, adopté par le Conseil de sécurité de l'Onu. Ce plan, rappelle-t-on, avait été accepté par le Front Polisario, mais a été rejeté par le Maroc. De leur côté, les dirigeants sahraouis ont souligné devant M. Bernardino l'urgence de lever le black-out imposé sur le Sahara-Occidental, devenu un zone militaire fermée à tous les témoins gênants comme peuvent en témoigner officiels et hommes de médias espagnols refoulés sans ménagement dimanche dernier avant même leur descente d'avion à l'aéroport d'El Ayoun, et l'un n'allant pas sans l'autre, empêcher un génocide comme l'appréhendent les dirigeants sahraouis qui ont décidé à ce sujet de saisir l'ONU et l'Union africaine afin de mener une enquête internationale sur la récente vague de répression et protéger la population sahraouie. Ils ont aussi indiqué à M. Bernardino que la solution passe par la tenue du référendum d'autodétermination, conformément au plan de paix des Nations unies, à laquelle s'oppose le Maroc. Quelques heures auparavant, soit mardi en fin d'après-midi, l'Algérie rappelait que le règlement de ce conflit relevait de la compétence exclusive des Nations unies. Lundi, selon un communiqué commun, les ministres espagnol et marocain des Affaires étrangères ont souligné « la nécessité de relancer la recherche d'une solution au conflit qui dure depuis plus de trente ans ». Et l'on apprend par le même canal que « dans le cadre de cette offensive diplomatique espagnole s'inscrit l'envoi vendredi dernier d'une lettre du ministre Moratinos au secrétaire général des Nations unies Kofi Annan lui demandant de nommer d'urgence un représentant personnel pour le Sahara-Occidental » afin de pourvoir au remplacement d'Alvaro de Soto à qui a été confié le dossier du Proche-Orient. Pendant ce temps, l'occupant marocain maintenait la pression sur les territoires sahraouis, avec une nouvelle expulsion de cinq autres Espagnols que l'agence officielle de presse marocaine présentait comme des « activistes pro-Polisario catalans ». Ce qui suscite davantage la colère des milieux espagnols après la série de refoulements qui mettent Madrid mal à l'aise. En effet, le coordinateur du parti Izquierda Unida (gauche unie, troisième force politique en Espagne), Gaspar Llamazares, a estimé, mardi, que le refus des autorités marocaines de permettre à une délégation d'élus espagnols de se rendre dans la ville d'El Ayoun constitue un échec de la politique extérieure du gouvernement et a exigé qu'une protestation formelle soit adressée au Maroc.