Visiblement, les manifestations de Sahraouis dans de nombreuses localités du Sahara-Occidental n'ont pas de caractère sporadique ou tout au plus sont appelées à cesser. Bien au contraire, et malgré le poids de la répression marocaine, ces émeutes de la liberté se poursuivent. Et le premier effet, c'est cette vague d'indignation qui s'est emparée de la communauté internationale, ainsi que des tentatives déclarées de faire sortir de l'impasse le processus de paix onusien. A cet égard, le quartier de Matala, le plus pauvre d'El Ayoun, capitale du Sahara-Occidental, sous occupation marocaine, cible d'une violente répression après les manifestations de fin mai, est toujours quadrillé par la police et l'armée marocaines, selon des sources concordantes. Magasins fermés, rues désertes avec à chaque croisement une présence policière ou militaire bien visible, le quartier était entièrement contrôlé par les forces d'occupation et ses habitants refusaient de parler à la presse à visage découvert. Mais certains d'entre eux ont montré leur intérieur entièrement dévasté par les raids de policiers et de soldats au moment des manifestations du 24 au 29 mai. Portes, fenêtres, lits, télévisions, tous les meubles ont été brisés par les forces marocaines qui ont aussi volé des bijoux et des pièces d'électroménager, affirment ces témoins anonymes, qui font état d'une vingtaine de maisons ainsi saccagée dans le quartier. En passant par les toits de l'une à l'autre de ces maisons, dont les habitants ne voulaient pas qu'un journaliste soit vu passant leur seuil, de peur des forces marocaines, un journaliste a aussi pu rencontrer des femmes qui montraient ecchymoses et blessures en affirmant avoir été battues lors de la répression de fin mai. Les Sahraouis rencontrés à Matala ont dit « vivre dans la peur », mais en même temps, selon une métaphore utilisée par plusieurs d'entre eux, se sentir « comme des papiers brûlés », qu'aucune violence ne peut plus atteindre. Le préfet (wali) d'El Ayoun, Mohamed Rharradi, a expliqué que les raids visant les maisons avaient été menés parce que ces dernières étaient utilisées pour abriter des réserves de pierres et d'essence servant aux manifestants à fabriquer des cocktails Molotov. De retour de la région du Maghreb, où il a effectué mardi et mercredi une brève visite, le secrétaire d'Etat espagnol aux Affaires étrangères, Léon Bernardino, a estimé que ces manifestations étaient dues à l'« incapacité d'avancer » dans le processus de paix. Ce qui relève de l'évidence, devrait-on dire dans pareille situation. M. Bernardino a affirmé que les Nations unies « doivent être l'acteur principal de l'impulsion politique » pour résoudre la question du Sahara-Occidental, sa gardant de préciser quoi que ce soit. Alger, rappelle-t-on, avait déclaré, mardi, que le règlement de ce conflit relevait de la compétence exclusive des Nations unies. M. Bernardino a fait savoir qu'il avait convenu, lors de sa visite, de « solliciter un rapport objectif et véridique » de la Mission des Nations unies pour le référendum au Sahara-Occidental (Minurso) sur les manifestations des Sahraouis. Dans ce contexte, apprenait-on jeudi, le ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, a adressé une lettre à ses homologues algérien, marocain, mauritanien et aux responsables du Front Polisario pour souligner que « le statu quo n'est pas acceptable ». Il appelle le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, à pourvoir aux postes vacants liés au problème du Sahara-Occidental, en « désignant un envoyé personnel possédant un profil politique suffisant qui pourra commencer sa mission le plus rapidement possible ». Il demande également à Kofi Annan de pourvoir au poste actuellement vacant de représentant spécial, chargé de la Minurso (Mission des Nations unies au Sahara-Occidental). Le ministre espagnol demande ensuite que des consultations aient lieu entre le nouvel envoyé personnel de l'ONU et les parties concernées « pour réactiver le processus de règlement ». Il appelle à de « nouvelles initiatives » permettant d'appliquer le droit international et les résolutions du Conseil de sécurité. La démission de son poste de James Baker était en soi suffisamment révélateur de la situation de blocage imposée par le Maroc, il n'y aurait donc lieu qu'à en tirer les conséquences.