En avril dernier, le wali de Béjaïa a signé un arrêté (n°544/05) transférant la gestion des camps de toile de la commune de Souk El Tenine au profit de l'administration des Domaines qui a lancé la procédure d'adjudication par voie de soumission. 4 parcelles domaniales au moins devant accueillir des camps de toile familiaux et pour enfants ont été adjugées récemment et 3 autres devaient l'être mardi 7 juin. L'opération est menée par un bureau d'adjudication réuni en mai au siège de la daïra de Souk El Tenine et boycottée par le président de l'APC, Ali Rabehi, en signe de protestation contre la décision de l'administration. La commune dispose en tout de 21 camps de toile créés sur son budget et dont la majorité a servi, depuis leur création, aux œuvres sociales de différentes entreprises et administrations. Une source de financement importante pour la municipalité qui ne pourra pas se consoler avec la subvention d'équilibre qu'elle n'a pu avoir, ni par « l'argent recouvré, resté bloqué à la recette communale ». Le 20 mai dernier, 151 millions de centimes dans la caisse communale. « De quoi couvrir à peine un mois de salaire des employés ». Dans le lot de la vingtaine de camps, 7 sont proposés au privé et c'est là que réside le nœud de l'affaire. Leur gestion a été pendant de longues années source de conflit sur fond d'une bataille juridique à épisodes entre la municipalité et les gérants avant qu'elle ne connaisse un début de dénouement à la faveur duquel les élus ont cru pouvoir reprendre haleine (voir genèse de l'affaire). Cela bien que le problème ne soit pas totalement aplani puisqu'aujourd'hui, la commune cumule un manque à gagner de plus de 33 millions de dinars (moins de 20 selon l'administration). Un total de créances des quatre exercices de 2001 à 2004 non recouvrées auprès des gérants de 7 camps de toile qui totalisent près de 1500 tentes (Amizour tours, Targui tours, Tobna tours, Baaziz tours, Saphari tours, Paradise club et Saphir voyage). A la réception de la décision de dessaisir l'APC du dossier, c'est le désenchantement et la colère chez les élus. D'autant plus que le dessaisissement est exclusif à Souk El Tenine puisque le reste des communes côtières a continué à compter ces espaces de détente parmi leur patrimoine. Pourquoi Souk El Tenine ? Un problème de « mauvaise gestion » pour l'administration. Officiellement, on avance un problème de conformité avec la réglementation en vigueur et dont les textes avancés ne convainquent pas les élus. « Il s'agit de la loi régissant les plages, pas les camps familiaux ». Déjà en mai 2001, dans une chasse aux camps « illicites », un décret exécutif est venu fermer pas moins de 48 camps de toile (camping) dans une opération d'« assainissement ». L'opération de régularisation menée par la direction du tourisme et de l'artisanat pour la saison 2003 a permis, selon l'administration, la création de 29 structures dont 24 installées sur le domaine privé de l'Etat. Au cours de la même année, 46 campings ont été recensés. En 2004, leur gestion a fait l'objet d'une dérogation. 45 camps ont été créés par décret et un autre est encore en étude pour un total de 4225 tentes et près de 20 000 lits ayant accueilli plus de 30 000 personnes.Pour les élus, la nouvelle décision de transfert est tout simplement « injustifiée », « une décision discriminatoire ». En retraçant l'évolution du conflit, le P/APC renvoie la balle à l'administration qu'il accuse de blocage. « C'est après épuisement des procédures de recours et de dialogue avec la wilaya que nous avons décidé de relater ces gravissimes problèmes sur la place publique », déclare M. Rabehi lors d'une conférence de presse convoquée au siège de l'APC, en présence de l'exécutif communal, d'élus et de responsables du parti (FFS). « Dans le souci de rentabiliser les camps de toile et renflouer les caisses de la commune, l'APC a, dès l'année 2000, procédé à leur location par voie d'adjudication, ce qui a triplé les revenus et porté le prix du mètre à 82,50 DA », déclare-t-il, en expliquant que le payement a été régulier pour les camps loués aux œuvres sociales, d'où la proposition de rayer de la liste le privé. Le conférencier relève des anomalies : « Quelques gérants de ces camps ont même ouvert des colonies de vacances, ce qui est une violation flagrante de la loi régissant les camps de toile ». Comme il fait mention, aussi dans son recours au wali puis au président de la République, de la « non-conformité » au code des marchés du bureau chargé du jugement des offres, et du retard dans la mise en adjudication. Une opération, soutient-il, qui a concerné certains camps. « Certains camps de toile nouvellement créés et uniquement sur le plan administrati, qui sont à l'état sauvage, ont été mis en adjudication. » L'adjudication aurait concerné aussi des camps en situation litigieuse. « Tobna tours et Amizour tours, qui ont fait l'objet d'une expulsion par voie judiciaire et quui sont redevables de sommes financières à notre institution, redeviennent bénéficiaires de camps de toile à la faveur de cette adjudication simulacre », dénonce M. Rabehi. Commission d'enquête Selon les conférenciers, le jugement d'expulsion de la première agence citée n'a pas été exécuté tandis que la deuxième a fait l'objet d'un arrêt de fermeture de l'APC « non approuvé par la daïra ». L'une comme l'autre ont soumissionné et ont été retenues, nous apprend-on. Avant l'adjudication des Domaines, l'APC avait entamé, en octobre 2004, une opération similaire sur instruction de la wilaya qui demande, un mois plus tard, de proroger le délai des soumissions avant que vienne, en décembre, la décision de surseoir à l'adjudication de l'APC. Entre-temps, la commune a déjà fait réception de 9 plis pour soumissions répondant à un cahier des charges « approuvé par la daïra ». « L'ensemble des camps de toile de Souk El Tenine ont fait l'objet de création par arrêtés n°460 à 491 (...) », répond le P/APC qui soutient que la gestion de ces espaces « a été améliorée et maîtrisée et les recettes ont été triplées ». Le non-recouvrement des loyers de certains camps, notamment privés, est expliqué par le « blocage des contrats de juin jusqu'à novembre au niveau de la wilaya et à la délibération de l'assemblée restée à ce jour non-approuvée ». Pour donner plus de crédit à ces affirmations, les élus se disent « disposés à recevoir toute commission d'enquête ». En attendant, l'on se demande avec inquiétude sur l'après-adjudication. Quel rôle pour les uns et les autres dans la gestion des camps de toile ? En été 2003, l'APC avait appelé, à travers un communiqué public, les estivants à ne pas se rendre dans les camps exerçant « sans aucune autorisation, qui ne seront alimentés ni en eau potable ni en énergie électrique et qui ne seront pas soumis aux différents contrôles (santé, hygiène et sécurité) ». Aujourd'hui, la situation n'étant pas, il est vrai, la même, des inquiétudes sont permises. « Nous allons assumer notre rôle », tentent de rassurer les élus qui préviennent toutefois d'une saison estivale « à blanc et ratée ».