Il faut dire que la mondialisation financière et l'internationalisation de l'économie avec l'émergence de multinationales ont créé la nécessité de tenir un langage comptable commun, pour pouvoir lire et comprendre les états financiers de la même façon, par-delà toutes les frontières, et c'est justement dans ce but que fut créé en 1973 le Comité international de la normalisation comptable (IASC), devenu en 2001 l'IASB, pour élaborer les standards comptables de base et qui seraient acceptés dans le monde entier. A cet effet, une énergie considérable a été déployée (moyens matériels et humains). Une multitude de professionnels de la comptabilité et d'organismes intéressés par la comptabilité ont été choisis pour la mise en œuvre de ce processus de normalisation comptable. Mais aujourd'hui et après pratiquement plus d'un quart de siècle, on se rend compte finalement que ces organismes, aussi bien l'IASB que le FASB américain (Financial Accounting Standard Birds) n'ont été ni source d'innovation comptable (par exemple, une contribution à une meilleure intelligence de la comptabilité) ni source de progrès de la technique comptable, puisque celle-ci demeure toujours la même. En effet, les questions techniques fondamentales, et qui sont d'ailleurs toujours en débat, comme celles qui ont trait aux conséquences de l'inflation sur le sens des comptes et sur les techniques adéquates à mettre en œuvre ou celles qui surgissent en période de forte instabilité du marché des changes n'ont pas été tranchées d'une manière pointue. A ce sujet, un panache de solutions est proposé. On y trouve un peu de tout, des solutions alternatives, des solutions autorisées : indexation des valeurs comptables d'origine sur le niveau général des prix, valeur de réalisation, valeur actuelle de marché ou valeur vénale ou coût actuel ou valeur de remplacement, valeur mathématique actualisée des flux futurs de trésorerie. Et jusqu'à présent, ces idées n'ont pas supplanté dans les normes comptables internationales le principe du coût historique, et cela va de soit pour l'organisme de normalisation américain (FASB). Lui non plus n'a pas choisi entre la méthode du coût historique et ses alternatives, en constatant seulement l'existence de cinq modes de valorisation des opérations comptables utilisées dans la pratique courante, telles que historical cost, current cost, current market value, net réalisable cost, présent or discounted value of future cash flows. Une norme comptable, ce n'est pas une analyse théorique d'une question (mode de valorisation des produits en stocks, par exemple) où on contemple les différentes thèses connues en examinant leurs justifications et en leur opposant les réfutations présentées par les tenants des autres thèses, pour finalement conclure par un choix raisonné entre toutes ces opinions, ou en formulant une thèse nouvelle. Certes, ceux qui assument la tâche matérielle de préparer une norme opèrent peut-être ce travail préalable d'analyse, mais sa formulation n'en rend pas compte, elle se borne à donner quelques indications sommaires pour la justifier, de telle sorte qu'elle n'apparaisse pas trop comme n'étant qu'un ukase. On comprend que ces normes sont conçues comme ne faisant que repérer et diffuser des règles déjà généralement admises, et qu'il n'y a pas alors nécessité de les appuyer de toutes les considérations qui les fondent. Les normes comptables internationales se bornent selon le cheminement habituel des anglo-saxons à recueillir les pratiques généralement admises, celles qui ne sont pas contestées ou qui ne le sont pas très sérieusement ni très vigoureusement. Elles tentent de trancher entre des doctrines opposées entre les anglo-saxons où la comptabilité n'est pas considérée comme faisant partie du droit et les pays latins où la comptabilité est considérée comme l'algèbre de droit, ce qui fait que ces normes comptables internationales deviennent de plus en plus touffues et tatillonnes. Ce qui explique que le professionnel de la technique comptable éprouve souvent de la déception en les consultant sous leurs énoncés obscurs et savants. Elles sont souvent simples, élémentaires, elles se bornent à énoncer des généralités, des règles de comptabilité connues depuis des siècles. Le capitalisme d'aujourd'hui considère l'entreprise non pas comme un moyen de création de richesses et d'emploi, mais plutôt comme une marchandise. On tend actuellement à compter non pas comme auparavant le patrimoine de l'entreprise, mais le capital financier. On se préoccupe beaucoup plus aujourd'hui des instruments financiers que des comptes sociaux. Et l'IASB reconnaît que les principes traditionnels de réalisation et d'évaluation au coût, qui étaient jugés appropriés aux fins de la comptabilisation des activités productives génératrices de revenus, ne conviennent plus pour la comptabilisation et l'évaluation des instruments financiers utilisés à des fins de gestions actives des risques financiers. On entend par instruments financiers, les créances, les prêts, les emprunts, les titres, les produits financiers dérivés. Et ces instruments financiers font l'objet d'opérations financières réalisées aussi bien par des établissements financiers que par des entreprises industrielles et commerciales. Et c'est pour ces raisons que l'IASB a introduit la notion de « juste valeur » comme palliatif à la notion du coût historique. La juste valeur c'est le cours de ces instruments observé sur les marchés actifs et liquides ajusté des coûts de transaction, et la norme IAS32 précise qu'en cas de faible activité absolue ou relative des marchés, les cours ne reflètent pas la juste valeur, et celle-ci est déterminée alors au moyen de technique d'estimation (modèle interne aux établissements financiers comportant des facteurs de correction arbitraire pouvant aller jusqu'à 30%, voire même 50% de la valeur issue des calculs automatisés) et en cas d'instrument financiers non négociables sur un marché financier organisé, la juste valeur ne peut être déterminée autrement qu'en la situant dans une fourchette de prix. Il est tout à fait clair que cette pratique est contraire au principe d'économie de marché et c'est justement sous la couverture de cette pratique que la situation dérape. Car les dirigeants des grands groupements industriels cherchent toujours dans le cadre des stocks options à gonfler artificiellement le cours de bourse au moment de l'exercice de leur option afin de maximiser leur plus-value, quitte à ce que les cours s'effondrent ensuite, et ainsi, les dispositions de la norme IAS32 créent la climat d'une trop grande volatilité des résultats et les pratiques dévoyées de lissage des résultats sont-elles ainsi légitimées. décidément, on se préoccupe aujourd'hui beaucoup plus de la valeur de ces instruments financiers et on se soucie peu de leur quantification comptable. Le choix de la juste valeur comme méthode de quantification des opérations comptables n'était fondé que sur son adaptation aux besoins des utilisateurs des états financiers. Non seulement ce concept de juste valeur, objet de toute une controverse, ne figure pas dans le cadre conceptuel de l'IASB, mais aussi qu'il n'a été soumis ni à une consultation ni à un vrai débat au moins à la hauteur de l'importance que représente ce concept sur la qualité de l'information financière et comptable, ce qui lui a valu un désintéressement des banquiers des groupes industriels, des compagnies d'assurances, des entreprises. D'autre part, le cadre conceptuel de l'IASB « ne traite pas directement » des concepts de « situation financière », « performance » et « variation de la situation financière », ce qui est un manque caractérisé portant sur ces notions fondamentales dans un document voulu être aussi fondamental. « Les définitions d'un actif et d'un passif... ne constituent pas une tentative pour spécifier les critères qui sont à satisfaire, pour que l'on puisse les comptabiliser dans le bilan ». De fait, écrire qu'un « actif est une ressource dont les avantages économiques futurs sont attendus par l'entreprise », qu'« un passif est une obligation actuelle... dont l'extinction devait se traduire pour l'entreprise par une sortie de ressources... », que « les capitaux propres sont l'intérêt résiduel dans les actifs de l'entreprise après déduction de tous les passifs », n'éclaire pas sur ce qui commande de porter dans les comptes sans omission, mais seulement ce qui est leur objet, ajoutant à cela l'absence de véritable définition des capitaux propres et des charges et produits.