Le colloque international organisé la semaine dernière à Annaba autour des enjeux de la mondialisation a permis de soulever nombre d'interrogations quant à l'impact de ce phénomène sur les enjeux du développement durable, notamment pour le cas de l'Algérie. Rarement rendez vous économique organisé par l'université Badji Mokhtar de Annaba n'a été aussi réussi que le colloque international tenu les 10 et 11 septembre 2007 à l'hôtel Seybouse international. Il ne pouvait pas en être autrement avec la collaboration du Centre d'Etudes du Développement International et des Mouvements Economiques et Sociaux (CEDIMES), un institut français implanté à Paris, l'Agence Nationale pour le Développement de la Recherche Universitaire (ANDRU) El Harrach, Djamia des Technologies de l'Information et de la Communication (DJAMIATIC) Alger, du Laboratoire de Recherche et d'Etudes Economiques (LAREE) Annaba, du Laboratoire de Recherche en Management des Organisations (LARMO) Annaba et de l'Agence de communication Albatros. Il ne pouvait pas en être autrement aussi au regard de la notoriété et de la qualité des participants spécialistes de l'Economie de différents pays d'Europe et d'Afrique ainsi que des acteurs du développement, financiers, ministères, entreprises commerciales et industrielles, organes de presse et d'experts, chercheurs et universitaires de Tunisie, du Cameroun, Congo, de la Belgique, France, Roumanie, Grèce… Même si cela paraît en filigrane dans les 35 communications présentées et dans les débats, la rencontre a permis de soulever nombre d'interrogations quant à l'impact de la mondialisation sur le développement de l'Algérie. Les couleurs avaient été annoncées dans le discours d'ouverture du colloque prononcé par le Dr Saïd Boumendjel, président du colloque.Cet Enseignant à la faculté des sciences économiques et de gestion de l'université d'Annaba qui comptera cette année plus de 45.000 étudiants, a en effet estimé : "d'un jour à l'autre, le monde se transforme par lui-même et sur lui-même. Il devient spatialement ramassé, homogène et uniforme mais aussi paradoxalement multiforme socialement, économiquement complexe et politiquement quasi-ingérable. Evidemment, les mêmes lois engendrant les mêmes effets tant qu'on reconduit les mêmes procédés avec les mêmes moyens, il faut s'attendre aux mêmes résultats. C'est-à-dire à des crises économiques et sociales, conflits politiques et militaires, famines et misère, maladies et mal-vie. Bref à rien de réjouissant." Ainsi lancés, les travaux des deux ateliers mis en place et les débats promettaient bien des enseignements sur bon nombre d'aspects de la mondialisation et du développement dans "les mondes d'hier et les mondes de demain", thème du colloque. Le cas de l'Algérie semble avoir inspiré les acteurs de cette rencontre internationale. "La croissance de l'économie algérienne est largement dépendante de sa capacité à exporter des matières premières principalement le pétrole. Le développement de l'Algérie est très insuffisant pour réduire sa vulnérabilité au moment où, ailleurs, la mondialisation a atteint son régime de croisière. Devenir des pays africains L'Algérie est largement dépendante des aléas climatiques et des variations des cours mondiaux des matières premières et des pertes monétaires", ces appréciations revenaient sans cesse dans les propos des uns et des autres. Tout autant que la question sur les solutions à proposer pour surmonter cette situation à laquelle sont confrontés les pays émergents. Il ne s'agissait pas d'être pour ou contre la mondialisation. Durant les débats, les intervenants avaient engagé le fer en douceur mais fermement. Ils ont affleuré la problématique des nations africaines et leur devenir face aux puissances économiques mondiales. C'est dire que le continent africain a occupé proportionnellement une grande place dans les interventions. De la Mondialisation et le Développement " Mondes d'Hier et Mondes d'Aujourd'hui " ou du moins ce qu'ils ont pu en dire, les séminaristes ont soulevé davantage de questions qu'ils ont proposé de solutions. D'une certaine manière, ils ont adressé des avertissements clairs et peu amènes aux puissants de ce monde. Les propos sur ce qu'ils affirment être une délégation de souveraineté que les pays africains seraient prêts à consentir, n'étaient pas subsidiaires. " …Les flux d'IDE s'établissent essentiellement entre les pays développés et bien qu'un volume de plus en plus important d'IDE est accueilli par les pays en développement, cette part demeure marginale. A l'analyse des chiffres, le constat d'une marginalisation des entreprises des pays sous-développés, particulièrement ceux africains, s'impose. Ces entreprises se limitent à fournir des matières premières à faible valeur ajoutée et à écouler sur leur marché des produits finis " estime le Dr Anaba Ehongo Eric Noel de l'université de Douala (Cameroun). Recommandations L'on a par ailleurs soulevé la question du tourisme en tant que secteur de l'économie et du développement durable et la mondialisation des politiques de l'eau, du développement local au titre de problème de comptabilité sociale, de la capacité des collectivités locales à participer aux actions de développement local. Dans les discussions, les participants ont abordé la question de la mondialisation monétaire, celle de la compétitivité de certains pays, l'habile opportunisme d'autres, de la cause structurelle qu'impose la rigidité des mécanismes de divers pays africains états providences, l'essoufflement du système de protection sociale au niveau mondiale… A ce colloque, a participé M.Claude Albagli président de l'institut français Cedimes Paris. Parlant du développement durable et équitable, il s'est interrogé : "Les politiques économiques et leur autonomie relative seraient elles devenues inadaptées au contexte actuel ? L'économie politique, née pourtant dans la douleur des sociétés miséreuses de l'Occident du 19e siècle, serait-elle aussi devenue largement dépassée du fait même de l'épanouissement des sociétés occidentales ?". Tout en procédant à un examen des conséquences de la mondialisation, il a affirmé que les institutions et organisations mondiales n'ont pas su toujours répondre pour situer le " scandale " de la situation des " damnés de la terre ". C'est un avis similaire qu'a exprimé le Dr Said Boumendjel qui a confirmé que face aux nouveaux riches, dont la fortune brille par son arrogance, est apparue la pauvreté d'un genre nouveau. Elle est, selon lui, le fait de l'accumulation des précarités et la résultante d'une somme de handicaps et de vulnérabilité psychiques, familiales et professionnelles qui s'accumulent et conduisent au déséquilibre et métamorphoses catastrophiques. Comment résoudre le grave problème de la compétitivité du continent africain par rapport aux autres pays du monde ? Comment résoudre ce handicap fondamental devant l'émergence de grands ensembles économiques ? Des intervenants se sont attardés sur ces questions d'actualité en Algérie qui, selon eux, ne pourra réaliser son développement qu'en mettant en place une certaine forme de protection de son marché. C'est ce que relève Dr Sari Mohamed de l'université de Annaba : "Actuellement, les pouvoirs publics négocient l'adhésion de l'Algérie à l'OMC. Avec une faible compétitivité, dans les conditions d'ouverture totale des frontières, l'économie algérienne hors hydrocarbures pourra-t-elle supporter les chocs extérieurs, particulièrement par le biais de la concurrence mondiale ? Le problème crucial réside dans la faible productivité des entités économiques constitutives du tissu économique algérien". Ces marques d'intérêt pour le marché algérien, ont permis de relever que ce dernier est soumis à toutes les formes de pillage à l'ombre de la mondialisation. Il est depuis des années, confronté à une multitude de perturbations, au dumping des surplus des pays industrialisés et frappé de plein fouet par la hausse des produits de large consommation. Il est également relevé que malgré les nombreuses certifications " ISO ", l'appareil productif algérien est parfaitement inadéquat, sous utilisé, disparate ou inexistant. Sur la base de diagnostics établis, ce colloque a permis de cerner certains problèmes névralgiques auxquels le marché algérien est confronté depuis des années. Mondialisation et production, mondialisation et enjeux, mondialisation et occidentalisation, phénomène et environnement autant de thèmes à l'origine de nombreux projets. Ils ont été mis à concrétisation par les chercheurs du Laboratoire de Recherche et d'Etudes Economiques (LAREE) et celui de Recherche en Management des Organisations (LARMO) de l'université Badji Mokhtar Annaba placés sous la direction de respectivement Mahfoud Benosmane et Ahmed Slaïmi. Cinq des projets de LAREE ont été agréés. C'est dans le même esprit de recherches sur la mondialisation et le développement qu'ont travaillé leurs homologues Roumains, Belges, français, tunisiens, congolais, camerounais avant de se déplacer à Annaba pour participer au colloque. Leur conviction des difficultés rencontrées dans ce cadre par le pays émergents, est inscrite dans leur communication respective et dans les échanges d'idées. Il s'agit de problèmes de l'endettement, du cours des matières premières, des modes de gestion de l'économie, de l'expansion démographique, du réchauffement de la terre… pour s'en tenir aux plus évidents. Les chercheurs participants ont souligné la nécessité de faire le distinguo entre les contraintes de la conjoncture imposée par la mondialisation et les données fondamentales de la géopolitique. Professeur à l'université Dunarea de Jos Galati de Roumanie un des premiers pays a avoir appliqué les nouvelles donnes imposées par la mondialisation, Olaru Adriana a abordé la question de la société de la connaissance. Selon elle, celle-ci suppose non seulement l'extension et l'approfondissement de la connaissance humaine, mais surtout le management des connaissances et une dissémination sans précédent des informations vers les habitants de toutes les régions du monde, utilisant le réseau Internet. C'est sur la base de toutes ses données, que les participants ont approuvé à l'unanimité les 10 recommandations du colloque d'Annaba. Elles ont été présentées par le Dr Saïd Boumendjel, aux côtés de Mmes Behairia Amal maître de conférence à l'INPS d'Alger et Zeghib Shahrazed doctorante à l'université de Annaba. Elles sont toutes concentrées sur l'économie algérienne qui pour être au diapason de la mondialisation et le développement, les responsables du pays devraient réviser leur vision et leur pensée de l'économie en favorisant diverses démarches. Il s'agit notamment de centrer l'objet de la recherche économique sur le potentiel humain, Revoir l'orientation des reformes de l'état et surtout de leur objet, accorder la priorité à la raison représentant l'intelligence en exercice , centrer les activités du gouvernement sur l'éducation du comportement humain, axer les activités sur le rôle de la culture nationale spécifique en préservant nécessairement l'ouverture sur l'extérieur. Il est par ailleurs question de cibler impérativement le rôle du secteur touristique (apport de devises) et celui du secteur agricole (autosuffisance alimentaire), centrer les actions gouvernementales sur la coopération internationale en vue de la mise sur pieds d'un nouveau système monétaire international et l'octroi d'un réel dynamisme renouvelé allant dans le sens d'une intégration régionale des pays.