Construire un autre monde où « l'exploitation, l'oppression, l'intolérance et les exclusions n'existent plus, où l'intégrité, la diversité, les droits et les libertés de toutes et de tous sont respectées », telles sont les raisons qui ont amené 10 000 femmes européennes dont des algériennes et des marocaines à participer à la Marche mondiale des femmes contre les violences et la pauvreté, les 28 et 29 mai dernier à Marseille. Les salles de conférence du Conseil régional de Marseille, qui a soutenu l'initiative et abrité les trois forums ayant pour thèmes « Démocratie- Pouvoir », « Paix-guerre » et « Emploi-Précarité », étaient combles. Elles sont venues nombreuses d'Espagne, d'Italie, des Pays-Bas, de Grèce, de Turquie, de Belgique, de Suisse prendre part à cette manifestation de grande envergure pour tenter un tant soit peu de changer les choses et bâtir un monde meilleur. L'accès des femmes aux postes de responsabilité en politique, le pouvoir, la démocratie, le système patriarcal, la laïcité ont été au centre des discussions et des échanges du forum « Démocratie, pouvoir et égalité hommes et femmes ». Un atelier durant lequel les femmes se sont relayées à la tribune pour dénoncer la situation qu'elles vivent dans leurs pays respectifs. Les algériennes et les marocaines n'ont pas manqué d'interpeller, de cette tribune qui leur était offerte, l'Union européenne (UE) sur les dangers de la montée de l'intégrisme et sur « le dialogue qui va être engagé par l'Union européenne avec le parti de la justice et du développement marocain, qui est un parti islamiste », a alerté Faouzia Assouly, présidente de la Ligue démocratique des droits de la femme au Maroc, et d'ajouter : « Nous avons lutté durant des années pour obtenir la réforme du statut personnel et nous nous battons pour l'application des nouvelles dispositions du code de la famille. Au lieu que l'Europe vienne nous encourager et nous soutenir dans notre combat, au contraire elle engage le dialogue avec les obscurantistes. » « Le danger intégriste », poursuit Aouicha Bakhti du collectif femme du mouvement démocratique et social (MDS), « guette toute la planète ». Elle n'a pas omis de rappeler : « Il y a dix années, les algériennes et les algériens se faisaient tuer à huis clos pendant que l'Europe se demandait qui tuait qui en Algérie. Nous nous sommes battues toutes seules contre les islamistes intégristes. Le monde a compris aujourd'hui ce que représente l'intégrisme, alors il ne faut pas laisser les choses se reproduire au Maroc ou ailleurs », a-t-elle mis en garde. Cette déclaration a fait vibrer la salle archicomble par des tonnerres d'applaudissements d'une assistance debout. L' emploi, la précarité et la pauvreté est l'autre atelier qui a suscité l'engouement de toutes ces femmes de différentes nationalités et qui vivent pratiquement les mêmes difficultés et conditions sociales. Nombreuses sont celles qui n'ont pas pu avoir accès au Conseil régional. « il n'y a plus de place mesdames. Toutes les salles sont pleines », tentent d'expliquer les agents de sécurité. Malgré une diversité dans les statuts et les modalités de participation au marché du travail, la situation des femmes en Europe présente de grandes similitudes au niveau des inégalités entre hommes et femmes, inégalité dans l'accès à l'emploi, le taux de chômage, les métiers exercés, les salaires, les carrières et la précarité. Le taux de chômage des femmes en Europe est supérieur de deux points à celui des hommes, les écarts de salaires sont de 27,5% et ne cessent de s'accroître. « En France, comme un peu partout en europe, on assiste à une vaste offensive libérale contre le système de retraites, contre la protection sociale, l'indemnisation du chômage, la législation du travail, les services publics. Ces politiques sont très néfastes pour tous, particulièrement pour les femmes », ont-elles alerté. A l'issue de cet atelier, une série de thèmes de campagnes revendicatives au niveau européen a été proposée pour récupérer le terrain perdu depuis vingt années de politique libérale. Il a été question de la réduction européenne du temps de travail, du rattrapage salarial pour les femmes, de l'instauration d'un salaire minimum européen, de la lutte contre la précarité, notamment de l'immigration, de la lutte contre le démantèlement des services publics et du partage des tâches domestiques et parentales... Dans l'atelier « Paix-Guerre », les animatrices ont mis l'accent sur les violences faites aux femmes, notamment dans les conflits armés. « La guerre préventive et permanente qui caractérise cette phase de la mondialisation néolibérale et qui en exprime en même temps la faillite tragique a beaucoup de conséquences sur la vie des femmes », ont-elles relevé. Des témoignages poignants de victimes de guerre s'enchaînaient et plongeaient la salle dans un grand émoi. Vers 15h 30, la procession s'est ébranlée du Conseil régional vers la Porte-d'Aix, où des carrés se sont vite constitués pour enfin lancer la Marche mondiale des femmes. Des slogans contre toutes les violences à l'égard des femmes, contre la pauvreté et pour les libertés fusaient de l'importante foule qui a sillonné les grandes artères de Marseille. « L'escale européenne a été une véritable réussite. Nous sommes 45 organisatrices à avoir préparé cet évènement de deux jours. La marche mondiale est un véritable réseau de solidarité. Nous avons vu une transnationalisation du mouvement à travers tous les relais. Cette deuxième marche, après celle de 2000, marque une nouvelle étape, car nous sommes dans les affirmations des revendications émises en l'an 2000 à travers la charte mondiale des femmes pour l'humanité », nous confie Nicole Thuet, présidente du collectif 13 droits des femmes, organisatrice de la marche. Les thèmes des campagnes revendicatives au niveau européen ont été présentés. L'étape européenne de la deuxième marche mondiale des femmes s'est close avec l'idée de la création d'un réseau européen féministe. L'évènement qui a pris fin en apothéose est un indice de la détermination des femmes du monde à vouloir changer les choses...