Dans leur inventaire des difficultés qu'ils rencontrent dans l'accomplissement de leur mission de contrôle et de répression des fraudes, les représentants de l'Inspection régionale de la répression des fraudes et des enquêtes économiques (IRRFEE) Annaba tirent la sonnette d'alarme sur l'anarchie qui s'est installée dans le secteur du commerce local à Annaba. Beaucoup plus un SOS lancé à destination des décideurs pour réhabiliter cette activité qu'un inventaire, leur démarche est motivée par la généralisation de la pratique commerciale sans registre du commerce, l'impossibilité d'identifier ceux qui en sont bénéficiaires, l'indisponibilité des documents techniques et juridiques de base indispensables au contrôle et, en la non-assistance des services de sécurité, les entraves aux opérations de saisie. Emoussés par les menaces, intimidations et autres actes agressifs dont ils font l'objet lors de leurs interventions, ces inspecteurs chargés de réguler les activités économiques se posent des questions sur la finalité de leur mission. « Lors de nos interventions, particulièrement celles opérées très tôt le matin au niveau du marché de gros, nous avons constaté que les produits avariés et impropres à la consommation sont mis en vente par des commerçants sans scrupules. Toute tentative de notre part d'appliquer la loi en la matière est vouée à l'échec face aux menaces d'agressions physiques dont nous sommes victimes », a argumenté un de ces inspecteurs contrôleurs. Conséquence : au-delà des risques encourus par les consommateurs, la fraude sur la qualité et la majoration excessive des prix ont atteint des seuils intolérables. « Je commercialise tout ce qui y est possible de commercialiser et destiné à la consommation humaine. Des fruits et légumes, des viandes blanche et rouge, le poisson congelé, les œufs et les produits de crémerie. Je n'ai jamais été inquiété par les contrôleurs qui, du reste, sont pratiquement absents. En ce qui concerne les produits en question, je n'ai pas les moyens de conservation et je fais confiance à mes fournisseurs. Mes aînés m'ont appris qu'en cas de problème avec les services de contrôle, il ne faut pas s'en faire, refuser de payer l'amende pour imposer la transmission du dossier à la justice dont la décision serait de loin moindre à celle de l'IRRFEE. Le commerce en Algérie répond à des critères qui ne figurent dans aucun texte de loi », a affirmé Abdelouahab B., un grossiste ambulant contacté aux abords du marché de gros de Kharaza, à Annaba. Ses déclarations sont corroborées par celles de plusieurs inspecteurs contrôleurs : « En matière d'application de l'amende de transaction, il est important de souligner que le phénomène de refus des commerçants de s'acquitter de cette amende est devenu monnaie courante. 90% des contrevenants verbalisés s'abstiennent de payer. » Il n'y a pas que le marché de gros où la fraude, la spéculation et la commercialisation des produits avariés sont banalisées. Partout dans le périmètre de la wilaya, l'on n'hésite pas à enfreindre toutes les lois même au péril de la vie des consommateurs. Avec un ciment de très mauvaise qualité tout autant que d'autres matériaux de base nécessaires à la construction, le secteur de l'habitat est confronté à une situation similaire. Les 6 millions de dinars enregistrés lors des 257 opérations effectuées par les contrôleurs en défaut de facturation ne sont rien comparativement à la grande fraude sur les prix, le poids et la qualité. Et lorsque de gros intérêts sont en jeu, que peut bien faire un inspecteur non assisté par ceux censés veiller au respect des lois ? C'est le cas pour ces commerçants ayant installé des stands bricolés hâtivement dans les défuntes grandes surfaces (Galeries et Aswak). Combien de fonctionnaires de l'IRRFEE ont failli perdre la vie pour avoir osé relever une infraction, notamment la non-présentation du registre du commerce ? C'est ainsi que des 2621 constatations d'infractions l'équivalent de 2,3 millions durant le 1er semestre 2004, seulement 347 réfractaires se sont soumis au règlement de l'amende. Quelque 4514 autres ont tablé sur la mansuétude de la justice dont, du reste, ils ont bénéficié.