L'industrie pharmaceutique en Algérie a été, hier, au centre des débats. L'état des lieux général, les problèmes rencontrés par les opérateurs et les implications futures de l'application de l'accord d'association avec l'Union européenne (UE) et des accords de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) sur le marché national du médicament ont été évoqués dans le cadre de l'atelier de réflexion sous le thème « Le marché du médicament face aux défis de l'ouverture extérieure » organisé par l'Union nationale des opérateurs de la pharmacie (UNOP). Les opérateurs en pharmacie estiment qu'il est aujourd'hui urgent d'aborder ces questions combien importantes pour l'avenir de l'industrie pharmaceutique en Algérie. Dans son allocution d'ouverture, le président de l'UNOP, M. Ziad, a mis l'accent sur la gravité de la situation et les dangers qui guettent cette industrie. Après avoir rappelé les investissements importants du privé mis dans le secteur, qui représentent 20 milliards de dollars, M. Ziad estime à 60% les parts du marché national d'ici à 2006. Ce qui représente un marché important qu'il va falloir, selon lui, protéger tel que prévu par la législation algérienne (article 10 du Journal officiel du 20 juillet 2003 qui prévoit la protection de la production nationale). C'est ainsi qu'un appel a été lancé par l'UNOP pour définir les mesures de sauvegarde. « Nous refusons d'être des victimes », a-t-il lancé avant de déplorer l'absence remarquée des représentants du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière et souhaiter la bienvenue aux représentants des ministères de l'Industrie, du Commerce, du Travail et de la Protection sociale et aux directeurs de la CNAS et du Laboratoire national de contrôle (LNC). De son côté, Mouloud Hedir, expert et conseiller au niveau de l'Unop, a présenté une parfaite analyse de la situation de l'industrie pharmaceutique en mettant en exergue la problématique du changement, les obligations découlant des accords OMC et UE et les implications prévisibles sur le système de régulation et la production nationale. Sur ce premier volet, le conférencier s'est interrogé si « l'Algérie souhaite garder une capacité nationale de production ». Pour lui, cette industrie naissante ne peut survivre sans protection. Des formes restent à définir. Il est revenu sur les menaces ayant trait à l'accessibilité des produits, à la facture importée et au système de remboursement. D'après lui, une ouverture à la concurrence mal maîtrisée est une menace sur la qualité et le rendement du système national de santé. A titre d'exemple, concernant les menaces sur le coût et l'accessibilité du médicament, le conférencier a estimé que certains produits connaîtront une forte augmentation des prix. Il cite, entre autres, le paracétamol, le Salbutamol, le Diclofenac 25, le Ranitidine... qui enregistreront des écarts importants : 54%, 378%, 204% et 335%. M. Hedir a souligné, en effet, les implications prévisibles sur le système de régulation du marché du médicament en précisant que les accords de l'OMC comportent de nombreuses dispositions contraignantes, mais aussi beaucoup de flexibilité qu'il faut savoir utiliser. Il est revenu sur le marché national du médicament qui représente, selon lui, une capacité de production de 295,5 millions d'unités vente par an avec une part du générique de 44% en unité vente. Après avoir énuméré toutes les implications prévisibles sur ce marché, le conférencier a tenu à recommander une coordination au plan gouvernemental sur l'ouverture commerciale dans le secteur de la santé, l'implication de tous les secteurs concernés (santé, finances, commerce, industrie, protection sociale), une coordination entre les volets enregistrement, remboursement, prix et soutien à la production nationale et une reconnaissance de la vocation de l'entreprise comme lieu de création de la richesse en économie de marché. Comme il est aussi recommandé d'adapter la loi sur la santé, en particulier dans le volet médicament. Le professeur Toumi, directeur général du LNC des médicaments tunisiens a, quant à lui, orienté le débat vers les astuces pour mieux s'armer pour les négociations. Après avoir montré les inconvénients et les avantages de cette adhésion, le professeur Toumi a tenu à préciser que ces négociations ne doivent pas être menées uniquement par le ministère du Commerce. « Il doit être assisté. Et le rôle du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière dans ces négociations est très important. Les opérateurs doivent être également associés », a-t-il signalé. Pour lui, l'Algérie doit être entourée d'une expertise internationale afin de mener à bien ces négociations. La création du réseau de conseillers avec le soutien du ministère de la Santé est tout indiquée dans ce type de procédure. Pour lui, il est aussi important de demander de travailler sur une période transitoire pour une meilleure mise en conformité. Il a aussi relevé la nécessité de faire un listing de tous les avantages obtenus par les autres pays en matière de santé. Revenant sur les quatre accords concernant la santé - les obstacles techniques au commerce (OTC), les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS), l'accord sur les services et l'accord sur les aspects des droits de la propriété intellectuelle liés au commerce (ADEPIC) -, le professeur Toumi appelle à plus de vigilance dans les négociations. Concernant la stratégie médicament, le conférencier a souligné que l'OMC est en faveur de la stratégie du médicament générique. « Le message générique est le message le mieux écouté », a-t-il signalé avant d'insister sur la transparence du système réglementaire. « Il ne faut pas avoir peur d'avoir une administration forte. Tout doit être visible », s'est-il adressé aux importateurs.