Plus de quatre années après son entrée en vigueur, l'accord d'association Algérie-Union européenne n'a pas eu l'effet escompté, celui de booster les exportations algériennes hors hydrocarbures et d'attirer des investissements directs productifs. C'est du moins ce qui ressort des premières conclusions de la mission d'évaluation de l'état d'exécution de l'accord d'association entre l'Algérie et l'Union européenne qui s'est déroulée du 11 juillet au 5 août de l'année passée. Les premiers résultats de l'évaluation, même s'ils ne sont que préliminaires, indiquent que l'accord d'association n'a pas fonctionné comme il devrait notamment dans sa composante institutionnelle. Le document, dont Liberté a pu se procurer une copie, souligne que “les organes de l'accord d'association n'ont pas été assez employés. Les vrais questions et problèmes ne semblent pas être réellement abordés. Le Conseil d'association fonctionne comme un organe diplomatique, mais ne relie pas les instructions vers les comités”. Les experts estiment qu'il y a un manque d'appropriation de l'accord d'association. D'un côté, l'Algérie subit son ouverture, de l'autre côté l'Union européenne (UE) ne donne pas l'impression que l'accord d'association soit tellement stratégique. “L'accord d'association n'a pas eu d'effet significatif sur les importations en provenance de l'Union européenne et sur les exportations à destination de l'UE.” En matière de déséquilibre des échanges commerciaux entre l'Algérie et l'Union européenne, décrié par notre pays, les premières conclusions des experts soulèvent plusieurs questionnements. Alors que le démantèlement tarifaire est perçu comme responsable des déséquilibres commerciaux de l'Algérie, les experts de l'UE affirment “qu'aucun impact sur les flux d'échanges n'a pu être mis en évidence”. Le document relève que le volume des échanges entre l'UE et l'Algérie ne représente que 1,8% des importations de l'UE et 1,2% de ses exportations. Du coup, les experts soutiennent que l'accord d'association n'a pas eu d'effet significatif sur les importations en provenance de l'Union européenne et sur les exportations à destination de l'UE. Pour rappel, le directeur général du commerce extérieur au ministère du Commerce, M. Chérif Zaâf, avait relevé, que l'évaluation initiale de la mise en œuvre de l'accord démontre que la balance commerciale hors hydrocarbures reste “très déséquilibrée”. “Pour 1 dollar exporté vers l'UE, l'Algérie importe pour 20 dollars”, avait-il avancé, précisant que les exportations algériennes hors hydrocarbures vers les pays de l'UE restent “marginales”. M. Chérif Zaâf avait ajouté que depuis 2005, première année de mise en œuvre de l'accord d'association, les importations algériennes auprès de l'UE ont augmenté de près de 80%, passant de 11,2 milliards de dollars à 20,8 milliards de dollars en 2008. L'évaluation faite par les experts montre le contraire. “Globalement, la part de l'UE dans les importations de l'Algérie a régressé passant de 57,4% en 2002 à 51,9 en 2007 au bénéfice de la Chine dont la part de marché a sensiblement augmenté”, lit-on dans le document. Si à l'importation, la part des produits de la première liste en provenance de l'UE a légèrement augmenté, la part des autres catégories de produits a diminué. Hors hydrocarbures l'UE, notent les rédacteurs du rapport, “reste de très loin le premier client de l'Algérie”. Pour eux, le déséquilibre des flux commerciaux observé s'explique par la surconsommation de l'Algérie. “Il n'est donc pas possible d'imputer aux tarifs douaniers la forte croissance des importations observées depuis 2006”, concluent les experts. Selon eux, le tarif douanier moyen appliqué aux importations de l'Algérie a diminué progressivement depuis 2002 à l'égard des produits importés de l'UE, mais également vis-à-vis des produits importés des autres pays. Le tarif douanier moyen en 2008 était de 6,3% et se décomposait en 4,7% sur les produits originaires de l'UE et 7,1% pour les produits non originaires de l'UE. À la suite de la mise en œuvre de l'accord, les tarifs douaniers vis-à-vis des produits originaires de l'UE décroissent plus rapidement que ceux des produits non originaires alors que le volume des importations des produits originaires et non originaires se rejoignent en fin de période sur le même taux de croissance. Selon ces experts, Il s'agit donc d'un problème de demande intérieure. “La demande domestique, en l'absence d'une flexibilité à la baisse des prix domestiques, est le principal facteur qui gouverne les importations de l'Algérie, depuis l'entrée en vigueur de l'accord d'association”, soulignent les rédacteurs du rapport, estimant qu'“à ce stade, la volonté de l'Algérie à vouloir renégocier le calendrier du démantèlement aurait un coût politique supérieur à l'impact commercial”. Les investissements UE sont peu importants et de petite taille en comparaison par exemple avec les investissements des pays arabes. Le document reconnaît que les investissements UE sont peu importants et de petite taille en comparaison par exemple avec les investissements des pays arabes. Pour autant les experts relèvent un manque de données, “malgré un grand nombre de contacts et rencontres avec les entreprises et institutions concernées”. Mais ils soulignent clairement que la faiblesse de l'investissement direct européen est “le point faible de l'accord d'association, bien que la dynamique des investissements ne réagisse pas à un cadre institutionnel, mais à des facteurs d'attractivité économique qui renvoient à la restructuration de l'industrie et des services”. Sur ce point, les experts parlent “d'une ambivalence des messages envoyés aux opérateurs économiques étrangers”. “Le système de réforme mis en place par les autorités algériennes depuis les années 2000 est complexe et ambitieux mais sa lisibilité externe n'est pas assurée car de nombreuses réformes reflètent des ambiguïtés stratégiques”, soulignent-ils. Il y a aussi les nouvelles mesures de la loi de finances complémentaire concernant l'investissement étranger, jugées par la Commission européenne contraire aux articles 32, 37, 39 et 54 de l'accord d'association. “Il nous semble que la situation actuelle n'est pas celle du dialogue et de la coopération entre les parties algérienne et européenne”, regrettent les experts. D'une part, “la Commission européenne souligne l'instabilité juridique et le manque de clarté dans les nouvelles dispositions du gouvernement algérien”, et d'autre part “la partie algérienne souligne que l'Algérie est souveraine et c'est l'Europe qui n'a pas respecté les engagements contenus dans l'accord d'association, ou aurait montré un manque d'enthousiasme dans l'investissement”. Pour la mission d'évaluation, le rendez-vous de cette année 2010, prévu par la clause de rendez-vous devrait fournir l'occasion de renégocier l'ensemble des questions en suspens dans l'industrie, l'agriculture et les services et par là même de faire avancer le dossier d'adhésion à l'Organisation mondiale du commerce.