Six ressortissants yéménites ont été interpellés par les services de la police judiciaire de la wilaya de Annaba. Trois ont été placés sous mandat de dépôt pour faux et usage de faux et piratage de moyens de communication. De la conférence de presse que le premier responsable de la police judiciaire a animée hier, il ressort qu'il ne s'agit pas d'une banale affaire de droit commun. La satisfaction difficilement contenue, les coupures systématiques des phrases au moment de dévoiler certains aspects cachés, les réponses biaisées du responsable de la police judiciaire et des indiscrétions recueillies auprès d'autres sources sécuritaires prouvent que les Yéménites interpellés sont membres d'un réseau affilié à Al Qaîda basé en Algérie. D'autant que ces arrestations sont le fruit d'une enquête entamée en même temps que celle qui avait abouti, il y a quelques mois, à l'arrestation de 12 ressortissants tunisiens (6 à Annaba et 6 à Alger), tous membres d'un réseau terroriste international. Bien que le premier responsable de la police judiciaire de Annaba ait tenté de ne pas en faire référence, les faits énoncés qui ont concouru à ces arrestations sont très révélateurs. Il en est ainsi de la durée de l'enquête entamée en juin 2004, des filatures, des écoutes téléphoniques, des perquisitions et de la découverte, dans le logement de celui qui paraît être le chef du réseau, d'un cachet rond humide de l'université Badji Mokhtar. D'autres arguments ont été avancés pour prétendument justifier les arrestations telle la durée de présence sur le sol algérien, de septembre 1991 à ce jour, de A. A., le Yéménite responsable du réseau. Ce dernier avait également intrigué les services de police par sa disponibilité à accueillir dans son logement des compatriotes et par sa facilité d'accès à l'ensemble des institutions de la République algérienne. Tous ces faits et arguments illustrent parfaitement les accointances et la mission de A. A. et de ses 5 autres complices dans les activités d'un groupe activant en Algérie pour le compte d'Al Qaîda. « Je ne peux rien ajouter de plus à ce qui, en ma qualité de fonctionnaire, m'est permis de dire. » Cette déclaration du responsable de la police judiciaire avait pour objectif de minimiser l'importance de la prise. A l'écoute de nombreuses indiscrétions proches d'autres services de sécurité, cette dernière est très importante. Depuis ce samedi donc, au terme d'une longue et minutieuse enquête imposée par la qualité et la nationalité des personnes impliquées, la mission des éléments de la police judiciaire de Annaba a été accomplie. C'est avec la même prudence dans les propos qu'un représentant de la représentation diplomatique du Yémen à Alger a répondu. Contacté après maintes acrobaties, il a confirmé l'arrestation de ses 6 compatriotes étudiants résidant à Annaba. « Je ne sais pas s'ils sont affiliés ou pas au réseau Al Qaîda. Tout ce que je sais, c'est que nos ressortissants ont été interpellés pour une question de téléphone piraté. 3 d'entre eux ont été placés sous mandat de dépôt. Les services de police de Annaba, que nous avons contactés pour plus d'éclaircissements, nous ont orientés vers le ministère algérien des Affaires étrangères », a-t-il précisé. Les preuves matérielles en possession de la police judiciaire attestent d'une façon formelle que « l'étudiant yéménite » est plus qu'un faussaire ou un pirate des lignes téléphoniques. Depuis 1991, A. A., étudiant candidat à un magistère de chimie, âgé de 40 ans, marié et père de 2 enfants, faisait tout pour être recalé dans ses études à l'université Badji Mokhtar. Son niveau de vie dépassait de loin les moyens qu'offre une quelconque bourse d'études. D'autant qu'à la moindre petite alerte, A. A. n'hésitait pas à déménager, mais toujours dans des logements standing. La discrétion appliquée dans ses gestes et mouvements, la suspension de tout appel téléphonique dès qu'il s'était senti filé et mis sur écoute sont des données à l'origine de l'intervention des services de la police judiciaire. Autant que A. A., les 5 autres Yéménites étaient volontairement tous aussi médiocres dans leurs études de droit et de médecine. Tous étaient constamment soumis aux épreuves de synthèse qu'ils rataient étrangement. « Nous n'avons pas le droit d'en dire plus si ce n'est que nous sommes étonnés que des étudiants yéménites, ne comprenant pas un seul mot de français, puissent persister à poursuivre leurs études dans notre pays », a répondu aux journalistes le premier responsable de la police judiciaire. Ce sont, encore une fois, les faits qui parlent d'eux-mêmes. Il y a la liste des appels téléphoniques enregistrés sur les 2 lignes fixes et sur les 2 postes mobiles en possession de A. A. et de son épouse également yéménite. Elle élimine tout doute quant à l'appartenance de l'ensemble des éléments du groupe à un réseau structuré pour d'autres activités que celle du piratage des lignes téléphoniques d'Algérie Télécom ou de l'établissement et de l'usage de faux documents universitaires. En un mois, une seule ligne fixe piratée a comptabilisé l'équivalent de 12 millions de dinars. Quotidiens, réguliers et étroits, les appels sont principalement destinés à des contacts avec des correspondants à Peshawar (Pakistan), Bangladesh, Inde, Liban, Egypte, Yémen, Arabie Saoudite et Syrie. « Pas une seule fois les services d'Algérie Télécom n'ont bougé pour s'inquiéter de l'utilisation d'une des 2 lignes pourtant résiliée. Interrogés sur cette grave anomalie, les responsables de cette administration de l'Etat ont refusé de répondre », a précisé le responsable de la police. « Nous ne pouvons pas en dire plus pour ne pas brûler d'autres éventuelles pistes », a-t-il ajouté à un journaliste qui insistait pour en savoir plus. Or la certitude d'avoir mis au jour un réseau spécialisé dans une activité subversive, voire terroriste, était visible dans les regards et les comportements des policiers.