Aimée, haïe, célébrée, redoutée (pour la mafia), analysée à travers les siècles de son histoire, la Sicile demeure au centre d'œuvres cinématographiques inoubliables (Le Guépard de Luchino Visconti) et littéraires de premier plan : les livres de Luigi Pirandello, Salvatore Quassimodo, Vitaliano Brancati, Elio Vittorini, Leonardo Sciascia... La Sicile, l'ouvrage que publient aujourd'hui conjointement, aux éditions Citadelles et Maxemod (Paris), Milo Minella, Enzo Russo et Giovanni Francesio, un pavé de 320 pages illustré et grand format, contient aussi des chapitres élogieux sur la période d'occupation de la Sicile par les Arabes, aux IXe et Xe siècles. « Jamais conquérant ne fut séduit par la terre qu'il avait soumise, comme le furent les Arabes par la Sicile », notent d'emblée les auteurs de ce livre. En fait, la conquête de la Sicile par les Arabes a duré longtemps. Il a fallu 75 ans pour s'emparer totalement de l'île : reddition de Palerme en 831, de Messine en 842-43 et enfin de Taormima en 902. Cette domination, interrompue par l'arrivé des Normands, a toutefois laissé des traces importantes sur la Sicile et les Siciliens, au niveau de l'architecture, de l'art, de l'agriculture, mais aussi de la cuisine... Aujourd'hui encore, malgré les violents séismes qui ont frappé l'île au cours des siècles, on retrouve des traces visibles du travail des architectes arabes. « Il n'est pas en Sicile de village ancien qui ne trahisse, aux yeux de l'observateur attentif, une intervention de ces lointains dominateurs (arabes). En attestent plus de deux cents jardins arabes à Pantelleria. Et les frises et dentelles mauresques dans les palais seigneuriaux et édifices publics. » Les auteurs précisent aussi : « La lecture des témoignages sur la Sicile, en vers et en prose, laissés par les Arabes, donne à penser qu'aucun des peuples qui l'ont conquise, habitée et gouvernée, pas même les Grecs, ne l'a à ce point aimée. » Ces écrivains-voyageurs témoignent que la Sicile sous les Arabes a connu une longue phase (deux siècles) d'épanouissement culturel, artistique et social. La liberté du culte existait alors : ceux des Siciliens qui ne voulaient pas devenir musulmans devaient seulement payer une taxe... Pourtant, au Xe siècle, Palerme avait 300 mosquées actives ! L'agriculture sicilienne a été modernisée durant cette époque, avec l'apport de nouvelles cultures : riz, canne à sucre, palmier-dattier, oranger, citronnier. Les occupants arabes ont aussi modifié la distribution des terres agricoles en supprimant le système des latifundium et la concentration des terres aux mains de quelques privilégiés. Le poète arabo-sicilien Ibn Hamdis pouvait alors célébrer les champs cultivés sous le soleil, les orangers et les citronniers en fleurs : « On dirait que la pluie tombée du ciel était d'or et que la terre l'avait métamorphosée en sphères brillantes. » La Sicile par M. Minella, E. Russo et G. Francesio. Editions Citadelles-Maxemod, 320 pages