Une semaine après le premier tour de l'élection présidentielle, les Iraniens seront appelés de nouveau demain aux urnes pour un second tour en vue de l'élection du nouveau président de la République parmi les deux candidats en lice : l'ancien président Ali Akbar Hachemi Rafsandjani, présenté comme un conservateur modéré pragmatique, et le maire de Téhéran, Mahmoud Ahmadinejad, catalogué comme ultraconservateur, un fondamentaliste pur et dur. La victoire des conservateurs dans ce scrutin était certes attendue par tous les observateurs après le délitement progressif du courant réformateur du président sortant Mohammad Khatami. Mais personne n'avait parié sur cette lame de fond électorale de vendredi dernier qui avait révélé un poids insoupçonné de la mouvance intégriste dans la société iranienne. Les réformes démocratiques inachevées qui ont accompagné les deux mandats successifs de Khatami ne semblent pas avoir creusé les sillons de fond devant accueillir les semences démocratiques promises par le père des réformateurs. Le peuple iranien qui a cru au rêve (démocratique) de Khatami s'est réveillé avec la gueule de bois à la faveur des résultats du premier tour du scrutin. Une décennie après des réformes contrariées mais qui n'ont pas moins produit, malgré tout, quelques changements mineurs beaucoup plus d'ordre comportemental que politique, mais ô combien précieux pour la société iranienne, l'Iran se prépare avec ce scrutin, au mieux, à revenir à la case départ anté-Khatami avec l'intronisation de Rafsandjani qui est le digne représentant de l'aile conservatrice, de l'oligarchie religieuse. Et, au pire, à basculer dans un nouveau système politique encore plus ténébreux. Les Iraniens, surtout les jeunes et les femmes ainsi que tous les démocrates du pays qui refusent de négocier les maigres acquis démocratiques arrachés sous le règne des réformateurs, ne méritent-ils donc pas mieux que cette fatalité qui leur colle à la peau et qui les invite cette fois-ci à choisir entre deux variantes de l'ordre théocratique ? L'appel à l'union sacrée derrière la candidature de Rafsandjani auquel ont appelé autant les différents courants conservateurs que les réformateurs avec à leur tête Khatami est révélateur de la puissance des forces conservatrices et du consensus établi entre les différentes forces politiques autour de la nature islamique du régime.