La répression violente du peuple sahraoui par le royaume chérifien a pris une nouvelle forme. Après les arrestations, les tortures et les enlèvements des manifestants, le Maroc a actionné son arsenal judiciaire en condamnant à de lourdes peines les Sahraouis. Six Sahraouis, dont un malade mental, accusés d'avoir participé à des manifestations violentes, le 24 mai à El Ayoun, capitale du Sahara- Occidental, ont été condamnés jeudi dernier à des peines allant d'un an avec sursis à cinq ans de prison ferme, alors qu'ils devaient normalement passer devant le juge d'instruction, selon l'agence sahraouie SPS. Les chefs d'inculpation retenus par le tribunal de première instance d'El Ayoun contre les six prévenus sont « participation à des actes de vandalisme, attroupement armé et violence contre les forces de l'ordre ». Un autre groupe de dix-neuf personnes, incarcérées également à la prison d'El Ayoun et poursuivies dans le cadre des mêmes manifestations, sera jugé à partir du 28 juin, avec le procès de trois accusés, puis le 5 juillet pour les seize autres, a indiqué la même source. Les dix-neuf prévenus sont accusés de « constitution d'une bande criminelle en vue de commettre des actes criminels, sabotage d'un bien d'utilité publique, violence contre des fonctionnaires dans l'exercice de leurs fonctions avec préméditation et usage d'arme et participation à un attroupement armé ». Dix détenus politiques sahraouis, présentés le même jour devant la cour coloniale à El Ayoun occupée, ont appelé à être jugés sur la base de leurs revendications politiques, notamment l'indépendance de leur patrie, réfutant tous les crimes dont ils sont accusés par les autorités marocaines d'oppression, selon SPS. « Les autorités judiciaires coloniales ont voulu précipiter le jugement des dix détenus sans laisser aux avocats l'opportunité d'étudier les dossiers d'accusation. Mais la défense, composée de huit avocats, a exigé le report du jugement jusqu'au 5 juillet prochain, ce qui a été finalement accepté par la présidence de la cour coloniale marocaine », selon la même source. Par ailleurs, le vent de la révolte qui a soufflé fin mai et début juin dans les territoires sahraouis d'El Ayoun et qui s'est propagé par la suite à d'autres villes du Sahara-Occidental (Smara et Dakhla) et marocaines (Agadir, Casablanca, Fès, Marrakech et Rabat), s'est étendu, depuis mardi dernier, à la ville d'Assa (sud du Maroc). Des blessés graves et un étudiant enlevé Une marche pacifique, rassemblant plusieurs centaines de personnes, en solidarité avec le soulèvement populaire dans les territoires occupés sahraouis, « s'est transformée rapidement en confrontation violente à la suite d'une intervention brutale de plus de 500 membres des forces de sécurité marocaines soutenus par les forces d'intervention spéciales », selon la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Il y aurait eu une manifestation que, par contre, dément Rabat, qui prétend qu'il s'agit d'un sit-in organisé par une cinquantaine d'élèves déçus après leur échec au baccalauréat, a indiqué, jeudi, l'agence marocaine Map, alors que la RASD déplore que « les forces marocaines ont fait usage de matraques, de baïonnettes et de gaz lacrymogènes, blessant plusieurs manifestants, dont deux grièvement ». Les manifestants qui scandaient des slogans nationalistes et brandissaient des banderoles aux couleurs sahraouies ont ensuite érigé des barrages de fortune et mis le feu à des pneus pour empêcher l'avancée des forces spéciales marocaines qui s'apprêtaient à pénétrer dans les maisons pour interpeller les manifestants, selon la source sahraouie. Les Sahraouis sont également sortis dans la ville d'El Ayoun mercredi dernier pour protester contre l'arrestation et la torture par les autorités marocaines de la militante sahraouie des droits de l'homme, Aminatu Haïdar, arrêtée vendredi dernier à l'hôpital d'El Ayoun et transférée deux jours après à la prison Carcel Negra de la même ville. Rassemblés en face de la maison de l'activiste, des manifestants, venus des quatre coins de la ville, ont scandé des slogans appelant à la libération de tous les prisonniers politiques sahraouis, imputant au Maroc la responsabilité de crimes contre l'humanité, selon l'agence sahraouie SPS. La RASD fait état, en outre, de violentes répressions subies par des étudiants sahraouis à la cité universitaire de Casablanca (Maroc). Sept étudiants sahraouis, dont deux filles, ont été sérieusement blessés lorsque des unités de police appuyées par des agents de l'université et des étudiants marocains zélés ont envahi leurs chambres, saccageant les lieux et pillant leurs effets personnels. Un étudiant sahraoui, Raji Mohamed, a été enlevé, depuis mardi dernier, par les forces spéciales marocaines à son domicile près de l'université de Marrakech et conduit vers une destination inconnue, rapporte des sources sahraouies. Un enlèvement qui a fait réagir ses compatriotes étudiants, ils réclamaient sa libération immédiate lors d'une manifestation organisée à l'extérieur du campus universitaire, brutalement réprimée par les services de sécurité marocains. Ceux-ci n'ont pas cessé d'opérer depuis fin mai, date de déclenchement de vastes manifestations dans les territoires sahraouis occupés, des descentes quotidiennes dans les pavillons où résident les étudiants sahraouis dans les universités marocaines.