« En l'absence de lois de règlement budgétaire, les budgets de l'Etat de 1982 à 2003, approuvés par l'APN et signés par le président de la République, sont des chèques en blanc délivrés aux gouvernements successifs dont aucun n'a eu jusque-là de quitus pour sa gestion », relève-t-on dans l'intervention du député FLN de Batna, Ahmed Guerza, invité hier au Forum El Moudjahid. « Le contrôle financier parlementaire est accompli à moins de 20% de la norme légale en vigueur en Algérie », a-t-il souligné. M Guerza a rappelé que le droit de regard sur les finances publiques et de sanction de l'action gouvernementale est reconnu au Parlement par la Constitution et la loi 84-17 du 7 juillet 1984, modifiée et complétée, relative aux lois de finances. Le conférencier a exposé l'insuffisance du contrôle a priori - impliqué par la loi de finances - et l'absence de contrôle a posteriori découlant de la loi de règlement budgétaire. Quatre lois de règlement budgétaire ont été votées entre 1981 et 1987 concernant les exercices de 1978 à 1981. « Un retard de 22 lois de règlement budgétaire », a souligné le député. Il a regretté que ces observations n'aient pas été formulées face aux équipes gouvernementales depuis... plus de vingt ans. A titre comparatif, il a relevé qu'en France l'article 41 de la loi de finances stipule que « le projet de loi de finances de l'année ne peut être mis en discussion devant une assemblée avant le vote par celle-ci, en première lecture, sur le projet de loi de règlement de l'année qui précède celle de la discussion dudit projet de loi ». Le député de Batna a indiqué que « les devises, ressources publiques par excellence, échappent totalement au contrôle parlementaire ». Pourtant, il a précisé que la loi 84-17 prévoit que la loi de finances doit être accompagnée d'un rapport explicatif sur l'équilibre économique et financier faisant ressortir un état des prévisions de recettes en devises exprimées en dinars et leur projet de ventilation en dépenses. Il a ajouté que les relations Banque d'Algérie-APN nécessitent un examen sérieux et que les comptes publiés par la Banque d'Algérie ne permettent ni contrôle ni analyse. Ahmed Guerza a également souligné « l'absence totale d'information sur les capitaux marchands ». Anomalie majeure à ses yeux : les lois 88-05 et 89-24, modifiant et complétant la loi de finances, ont mis hors du champ de contrôle parlementaire le plan de développement et le budget d'investissement des entreprises publiques économiques (EPE). Il a appelé à réviser les textes afin de procurer au Parlement un tableau de bord comportant l'évolution de plusieurs paramètres permettant le contrôle de cette partie du patrimoine public. Précisant ces paramètres, il a cité le capital investi dans les EPE, les bénéfices et les pertes cumulés, les actifs nets comptables des EPE, la valeur réelle des EPE, le montant des créances abandonnées par l'Etat au profit de ces entreprises, le montant des titres participatifs, des obligations et leurs rapports effectifs ainsi que le bilan des liquidations, dont certaines en cours. Le député est revenu sur l'insuffisance du contrôle préventif sur les banques, citant les lourdes faillites qui ont meublé l'actualité, comme l'affaire Khalifa Bank, dont le gérant Abdelmoumène Khalifa est installé en Grande-Bretagne. « Quelles sont les pertes des EPE, des organismes publics et des autres déposants ? », s'est demandé le député qui a déploré « la fermeture des médias publics » qui « entrave l'exercice de la fonction de contrôle parlementaire dans sa dimension populaire ». Concluant son exposé, Ahmed Guerza a estimé que « l'insuffisance du contrôle financier parlementaire, sommet de la pyramide des contrôles, se répercute négativement sur les autres contrôles publics, notamment celui de la Cour des comptes ». Ciblant le bilan récemment exposé par le chef du gouvernement devant l'APN, le député FLN s'est interrogé sur « la valeur d'un bilan non adossé à une comptabilité certifiée ». « Cela est certes valable pour une entreprise, mais l'est également pour un pays », a ajouté Ahmed Guerza. La mise à niveau et l'application de la fonction de contrôle restent nécessaires, selon lui, au vu du volume des dépenses annoncées dans le cadre du plan de relance économique avoisinant les 55 milliards de dollars. « D'autant que des dizaines de milliers de cadres pouvant assurer ces fonctions de contrôle sont au chômage », a-t-il soutenu. Il a appelé à la tenue d'une conférence sur la situation et les perspectives des contrôles publics et a terminé par ces interrogations : « Quid des lois de règlement budgétaire ? Un budget devises en annexe à la loi de finances 2006 est-il envisageable ? »