Le bilan est impressionnant : chaque année, entre 40 000 et 50 000 accidents de circulation, causant entre 4000 et 5000 décès, soit une fois et demie le nombre des victimes du séisme de Boumerdès, et 60 000 blessés, dont 10% nécessitent une chirurgie lourde. Hier, lors d'une conférence de presse organisée par la direction de la prévention du ministère de la Santé, la sonnette d'alarme a été tirée. Le représentant de cette structure illustre cette hécatombe par des chiffres éloquents : en 24 heures, il y a 120 accidents, 12 décès et 175 blessés. La principale cause reste le facteur humain (excès de vitesse). Il faut savoir que si un conducteur roule à 130 km/h, c'est pratiquement « la vitesse de décollage d'un avion de tourisme ». Selon le Centre national de prévention et de sécurité routières (CNPSR), les taux de mortalité due aux traumatismes causés par les accidents de la route sont les plus élevés au monde. Les facteurs de risque majeurs sont, entre autres, la consommation excessive d'alcool, la vitesse, la sous-utilisation de la ceinture de sécurité et des harnais d'enfants, le mauvais entretien des véhicules et des routes et le non-respect du code la route. Les traumatismes engendrent des coûts extrêmement élevés parce que les services des soins d'urgence, l'hospitalisation et les soins à long terme détournent souvent les ressources vers d'autres priorités en matière de développement. Les traumatismes provoquent des incapacités à vie et occasionnent d'autres problèmes de santé qui peuvent avoir de sérieuses conséquences pour les individus, les familles, les communautés et les systèmes de soins. D'après un document du ministère de la Santé, « les accidents de la circulation sont à l'origine de 95% des traumatismes crâniens. Les séquelles invalidantes sont attribuées dans 80% des cas aux accidents de la circulation. Le handicap étant d'autant plus grave qu'il survient chez l'enfant et qu'il cumule plusieurs handicaps (moteur, sensitif, sexuel) ». Une étude faite au niveau du CHU N'fissa Hamoud (ex- Parnet), au service de chirurgie infantile, durant la période comprise entre juin et novembre 2003, a montré que 280 cas pris en charge étaient victimes d'accidents de la route sur les 5366 cas d'urgence hospitalisés. Les victimes des accidents de la voie publique sont plus fréquemment âgés entre 5 et 10 ans et touchent surtout les garçons. La clinique centrale de chirurgie plastique et des brûlés a enregistré, durant la période comprise entre janvier 2003 et juillet 2004, la prise en charge de 142 cas d'accidents de la circulation dont 85 cas sont des enfants et 37 des adultes. Les handicaps cumulés chez les blessés (paralysie motrice, sensitive et sexuelle) sont graves, en particulier chez l'enfant. Leur surveillance médicale dure toute la vie, ce qui explique le lourd coût financier pour la société. Le Pr Benbouzid, chef de service orthopédie de l'hôpital de Ben Aknoun, cite des chiffres plus récents : « En juin 2004, il y a eu 1822 accidents, 262 tués et 3017 blessés. En juillet 2004, il y a eu 1982 accidents, 276 tués et 3468 blessés. Je pense qu'on ne verbalise pas assez les contrevenants à la loi. Les motocyclistes circulent sans casque. Les véhicules ne sont pas contrôlés. » Selon lui, « les raisons principales de cette hécatombe ne sont pas à rechercher dans l'état du parc automobile ou dans celui du réseau routier, mais dans la banalisation d'une conduite suicidaire qui ignore tout respect du code de la route ». Bouslimane Abdelhafid, sous-directeur de la promotion de la santé mentale au ministère de la Santé, a souligné les conséquences de ces accidents qui suscitent un traumatisme psychique. « Le sujet peut être uniquement témoin et ne pas avoir été en danger réel. Cela peut constituer un tournant de leur vie. Un chauffeur peut perdre son travail et un écolier peut stopper sa scolarité car il ne voudra plus aller à l'école ». « Plusieurs facteurs peuvent altérer la maîtrise du volant (colère, fatigue, diminution des réflexes liée à l'âge, prise de médicaments, drogues ou d'alcool) », souligne-t-il. L'Etat est décidé à sévir par des mesures allant jusqu'au retrait du permis de conduire et l'immobilisation des véhicules dans les cas les plus graves.