Des mesures draconiennes doivent régir la circulation automobile pour arrêter l'hémorragie. Lors du point de presse, animé hier au ministère de la Santé, le Dr Bouslimane, sous-directeur de la santé mentale au département de Redjimi, a qualifié l'Algérien de conducteur “imprudent”. C'est le moins qu'on puisse dire compte tenu des chiffres effroyables fournis chaque année par les différents départements (gendarmerie, police et Protection civile). Pour le seul mois de juin de l'année en cours, 1 822 accidents ont été enregistrés faisant 3 017 blessés et 262 morts. Quant au mois de juillet, 1 982 accidents ont été recensés. Bilan : 3 468 blessés et 276 morts. Ces statistiques sont déjà la preuve irréfutable qu'il est plus urgent de réagir pour parer à une situation des plus tragiques. La route cause un mort toutes les deux heures faisant plus de 4 000 morts par an. Excès de vitesse, non-respect du code de la route, dépassement dangereux, manque de civisme en général sont les causes essentielles des accidents qui engendrent des dépenses faramineuses au niveau des hôpitaux. Difficile, cependant, pour le Dr Oulmane, sous-directeur de la communication sociale, d'évaluer avec précision le montant. Ce dernier s'élève à des milliards par jour si l'on prend seulement compte des frais d'hospitalisation qui sont de l'ordre de 4 500 DA par jour et par personne pour les 63 085 blessés enregistrés en 2003. Le Pr Mitiche Baddredine, chef de service à la clinique centrale des brûlés et de chirurgie plastique (Pasteur), a déclaré pour sa part, que plus de 1 000 hospitalisations ont été enregistrées en 2003 et au début de 2004 à son niveau. Les frais d'hospitalisation sont de 4 500 DA hors soins pour un séjour de trois à quatre semaines en moyenne, lequel peut se prolonger de trois à quatre mois, selon la gravité de la blessure. Chiffres à l'appui, le Pr Benbouzid, chef de service d'orthopédie à l'hôpital de Ben Aknoun a démontré, de son côté, que les hôpitaux supportent un coût faramineux dans le cadre de la prise en charge des victimes des accidents de la circulation, alors que la priorité devrait être réservée aux maladies chroniques. “Les hôpitaux supportent les défaillances des collectivités locales”, a-t-il déclaré faisant référence à l'état des routes (revêtement sans tenir compte des bouches d'égout, des dos-d'âne qui n'obéissent à aucune norme), l'état des véhicules (absence de contrôle technique), le manque de verbalisation systématique. 90% des accidents de la route sont dus au facteur humain avec 450 handicapés lourds par an avec tout ce que cela suppose comme prise en charge à vie. Le constat établi par le Pr Amara Djelloul, chef de service au Centre de rééducation fonctionnelle de Tixeraïne fait ressortir tout le drame vécu par ces blessés, des enfants dans leur majorité (212 enfants morts en 2003), qui deviennent dépendants d'une tierce personne et qui, pour cause d'un traumatisme crânien, peuvent ne jamais se développer mentalement. Le séjour hospitalier d'un paraplégique ou d'un tétraplégique peut aller de six mois jusqu'à un an et coûterait 500 millions de dinars pour six mois d'hospitalisation. Le Pr Amara a recommandé la prévention en priorité mais penche surtout pour une surveillance contrôlée. Les campagnes de sensibilisation initiées par le ministère des Transports n'ont jamais réalisé l'effet escompté tout comme toutes les autres initiatives de prévention qui ont montré leurs limites sur le terrain. Les professeurs, qui se sont réunis hier, ont été unanimes à dire que la répression peut se révéler être un bon moyen dissuasif. Mais pour atténuer un tant soit peu ce drame, il ne s'agit point, selon eux, de promulguer des lois excessives comme le retrait de permis en cas d'infraction sans tenir compte ni de sa nature ni du degré de sa gravité. Instaurer le permis à point, de leur avis et qui a d'ailleurs fait ses preuves sous d'autres cieux, peut donner de meilleurs résultats. Les médecins ont abordé, par ailleurs, l'efficacité de l'intervention des éléments de la gendarmerie et de la police en attestant qu'il n'existait aucune surveillance lors de la circulation, ce qui rend, de leur point de vue, la présence des barrages insuffisante, voire inutile. “Les gens finissent par connaître les points des barrages et des radars fixes. Ils ralentissent alors, ou mettent leur ceinture pour reprendre leur course folle, enlever la ceinture et parler au téléphone portable dès qu'ils dépassent le barrage. Ce qu'il faut, c'est une surveillance permanente et partout à travers la multiplication de voitures de police banalisées ou de radars mobiles, etc.”, ont-ils insisté. C'est donc un problème de comportement que le Dr Bouslimane attribuera au tempérament coléreux de l'Algérien, au manque de maturité chez les jeunes conducteurs ou encore à la fatigue physique, l'ennui et la peur liée aux spécificités de la route, ou encore la maladie et la prise d'alcool ou de drogue qui entraîne une baisse de vigilance. N. S. Centre national de prévention et de sécurité routières Les chiffres L'Algérie enregistre chaque année entre 4 000 et 5 000 morts. L'année 2002 a enregistré 40 000 accidents qui ont fait 57 074 blessés et 4 310 morts. Ces chiffres ont été revus à la hausse l'année suivante avec 43 227 accidents qui ont donné lieu à 63 085 blessés et 4 342 décès. Le mois de juin de l'année en cours a enregistré, à lui seul, 1 822 accidents, 3 017 blessés et 262 morts. Le mois qui lui a succédé a marqué, quant à lui, 1 982 accidents, 3 468 blessés et 276 morts. Les services du ministère de la Santé ont attesté que les accidents de la circulation sont les premiers pourvoyeurs de morts et de blessés dans les structures de santé. 40 000 à 50 000 accidents sont enregistrés chaque année avec un pic de plus de 63 000 blessés pour l'année 2003, et 10 à 15 % des blessés nécessitent une grande chirurgie et entraînent de lourds handicaps. En moyenne, il est recensé 119 accidents par jour avec 11 à 12 morts et 174 blessés. Entre les 9 et 10 août, 12 personnes ont trouvé la mort dans des accidents de circulation. 4 860 accidents corporels ont été enregistrés durant le 2e trimestre 2004, soit une augmentation de 0,08% par rapport à l'année dernière pour la même période. Le nombre de décès a atteint 244, soit une diminution de 05,79% par rapport à l'année précédente en même période. Parmi les 244 morts, 199, soit 81,55%, sont de sexe masculin et 45, soit 18,45%, sont de sexe féminin. 163 morts sont des personnes majeures et 81 sont mineures. En ce qui concerne les blessés, les zones urbaines ont connu une régression de 04,17% par rapport à l'année dernière à la même période, soit 5 461 blessés. Alger a connu le plus grand nombre d'accidents avec 766 accidents, soit 15,76% de l'ensemble national suivie de Sétif et M'sila. N. S.