les ouvrages d'histoire évoquent rarement les accords entre le FLN et l'Organisation armée secrète (OAS), en juin 1962. Les manuels scolaires, pour leurs part, ne font que survoler les exactions et attentats commis par cette organisation à la veille de l'indépendance de l'Algérie, avec un minimum de détails. D'où l'importance de faire un zoom sur cette partie douloureuse de notre histoire quasiment ignorée par les jeunes. C'est ce que s'est proposé de faire le réalisateur documentariste Ali Fatah Ayadi, auteur de nombreux documents d'histoire, dont ceux consacrés à Kateb Yacine et à Abdelhamid Benzine, dans L'OAS, de la série « Témoignages pour l'histoire ». Ce 86 minutes, projeté hier au siège de l'ENTV, et qui sera diffusé le 5 juillet sur les trois chaînes nationales, retrace ce pan de la fin de la guerre de libération, où émerge cette organisation « fasciste » qui reste attachée à l'Algérie française et qui a recours à la violence pour signifier son désaccord quant à l'indépendance de l'Algérie. Après un bref résumé du contexte, le documentariste se penche sur la naissance de l'OAS, en 1961 à Madrid. Et des attentats commis par ses membres, plus de 2000 en trois mois. Cette violence, une fuite en avant désespérée, avait aussi pour but de saboter la fin de la guerre prévue. En assassinant des Algériens, les responsables de cette organisation tentaient de provoquer une réaction de leur part, mais la conscience de l'enjeu et la perspective de l'indépendance l'emporteront sur les pulsions vengeresses. En juin de la même année, des négociations sont entamées entre le FLN et l'OAS. Jean-Jacques Susini (chef de l'OAS) prend contact avec Abderahmane Farès (président de l'Exécutif provisoire algérien d'avril à septembre 1962) par l'intermédiaire de Jacques Chevallier. En échange de l'arrêt des violences, Jean-Jacques Susini obtient l'amnistie pour les membres de l'OAS et l'engagement de Français d'Algérie dans la force locale, projet que l'imminence du référendum réduit à néant. Des entretiens livrent détails, explications et progressions de ces accords controversés : Commandant Azzedine (responsable de la Zone autonome d'Alger), Chawki Mostefaï (membre de l'Exécutif provisoire), Fouad Soufi (chercheur), Jean-Jacques Susini (chef de l'OAS), Georges Fleury (écrivain), Vitalis Cros (préfet de police à Alger), Jean-Pierre Chevènement (ancien ministre)... nous disent tout, ou presque. Le documentaire se termine sur des mots d'espoir, de rapprochement. Susini : « Il faut envisager une réconciliation entre les deux peuples. » Me Jacques Vergès : « Il faut qu'on ouvre les yeux sur le passé »... Le réalisateur explique, à la fin de la projection, qu'il a eu beaucoup de difficultés pour accomplir son documentaire. « Certains sont morts, d'autres ne veulent pas parler... » C'est ainsi qu'il lui a fallu plus de sept mois pour convaincre Susini de témoigner. Quant à Chawki Mostefaï, il avoue que c'est à l'usure qu'il a obtenu son interview. S'agissant de la longueur des témoignages, Ali Fatah Ayadi est très clair : « Face à une matière aussi abondante et intéressante, j'ai été obligé de sacrifier le côté technique. Je ne pouvais pas couper des vérités. » Ce documentaire a été retenu par l'Unesco pour la plate-forme de l'histoire des peuples et consacré avec la mention spéciale lors du dernier Grand prix international du documentaire de l'URTI, en juin dernier, après avoir été le premier à la sélection. Pour le jury, « il est important et utile que les Algériens racontent leur propre histoire. Sans tabous et sans fard. Librement. Il convient de saluer ce film et d'écouter - vraiment - ce qu'ont à nous dire les cinéastes algériens d'un passé qui passe mal. »