Il faut penser à tout, au cours de l'euro, celui de la place Port Saïd (l'officiel) pas de la Banque centrale, les dernières courses, les derniers cadeaux. Des moments de tension avec une fièvre consommatrice. Des cadeaux pour toute la famille, aux ramifications toujours plus étendues. Ce sont les vacances d'été avec leur cortège de fêtes et de retrouvailles. Beaucoup de dépenses en perspective. « J'ai beau faire et refaire mes calculs, je ne vois pas comment je pourrais descendre sous la barre de 1500 euros. Pourtant, avec un taux de change à 110,40 DA, je devrais dépenser moins. Mon budget a explosé, comme à chaque fois que je me rends en vacances au bled », se plaint Youssef. Et d'énumérer ses charges : sa famille à faire vivre, au même niveau « qu'à Paris », les déplacements, les cadeaux pour les nombreux mariages, les visites familiales, le cousin qu'il faut aider... Sa liste ressemble à une addition de corvées, très loin du farniente et des vacances. Mouloud doit revoir tous ses plans, préparatifs et séjour. Il devait se rendre en Kabylie en bateau avec sa famille et sa nouvelle Logan. Il a acheté son billet de bateau et fait plein de projets. La dernière voiture de Renault, victime de son succès, est indisponible. « Ils ont vendu les 500 voitures qu'ils ont mis sur le marché dans la matinée de la mise en vente de la Logan ! J'ai fait tous les concessionnaires Renault dans la journée. Nada, ils sont en rupture de stocks », se plaint Mouloud. Il faut attendre septembre pour espérer rouler dans la moins chère voiture française. Du coup, Mouloud s'est rabattu sur les agences de voyage pour modifier ses billets. « Au lieu de partir avec toute la famille en un seul voyage, et donc de faire une belle traversée en bateau, notre arrivée sera étalée en quatre vols. Il est impossible de trouver cinq places sur le même avion », râle Mouloud. Et de multiplier presque par deux le prix du voyage. « On fera le bonheur des taxis locaux. Nous n'aurons droit qu'à des visites familiales, rien pour notre plaisir. J'aurais voulu faire du tourisme à Béjaïa, qu'on soit tous ensemble pour des vraies vacances mais c'est impossible, tout ça à cause d'une voiture ! » renchérit Nadia, l'épouse de Mouloud. L'euro,le bled et l'été Dans son quartier, à Ivry-sur-Seine, banlieue parisienne, Hocine est surnommé le Robot, pour son sens d'organisation et de « cartésianisme ». Il n'est jamais pris de court. Hocine se dit fin prêt pour le départ, le 16 juillet à 11 h, à Marseille. « Mais il faut y être au moins deux heures avant l'heure d'embarquement. J'ai programmé mon arrivée au port phocéen à 8 h pour éviter les bouchons et la chaleur. Je prends la route à 23 h, direction porte d'Italie puis l'autoroute A6, ensuite la nationale 7... » Et de détailler l'itinéraire, sans péage : « Il n'y a pas de petites économies, pas de raison de dépenser idiot. » Il en veut pour preuve le menu de la traversée, tout est prêt, programmé. « Nous prendrons avec nous des fruits, du fromage, un poulet, de l'eau gazeuse et quatre œufs durs. La restauration sur les bateaux est trop chère et de piètre qualité. » Hocine n'a pas peur de la lenteur légendaire des contrôles douaniers au port d'Alger. « Tous mes bagages sont prêts et triés, les douaniers n'auront aucun effort à faire avec moi. Comme toujours, cela prendra au plus cinq minutes avec moi. Pour les autres, cela ne me regarde pas », affirme stoïquement Hocine. Aldjia a d'autres choses en tête. Elle n'est pas prête, elle a couru dans plusieurs magasins pour faire les bonnes affaires aux soldes. Elle est sûre d'avoir oublié plein de choses, surtout les cadeaux adéquats. Elle se rend en Algérie pour trouver une fiancée pour son fils, et tâter le terrain pour sa nièce. Elle va écumer les fêtes. « Je vais assister à sept cérémonies en six semaines ! La France, ce n'est pas bien pour les mariages, les filles et même les garçons ne sont pas très sérieux », tranche la marieuse, sans spécifier si elle inclut dans son jugement ses deux filles et trois garçons. Elle se dit pieuse « comme le reste de la famille, depuis toujours ». Aldjia veut une fille soumise et qui a fait « un peu d'études » pour son fils aîné. Elle la voit éduquée mais pas trop, libre mais pas indépendante, civilisée mais pas beaucoup non plus. Son fils n'est pas au courant « à 100% » de sa démarche. Mais il n'y a aucune raison pour qu'« il refuse car sa mère ne lui veut que du bien ». Une fille bien de chez nous. Pour la régularisation ultérieure de sa potentielle future belle-fille en France, Aldjia a déjà tout un programme. « Nous ferons la fête l'été prochain. Ma bru restera six mois en Algérie chez ses parents, le temps de faire des démarches administratives pour qu'elle ait ses papiers officiels, puis mon fils reviendra la ramener en France. » Aldjia ne doute pas, elle trouvera la perle rare cet été. Une fille de famille. L'été s'annonce très chaud cette année. Et très prometteur. On parlera franco-arabe dans la rue, beaucoup de l'euro et énormément de mariage. La plage viendra plus tard, après la fête ou la corvée.
