Le malouf constantinois est en deuil. Une année à peine après le décès de Abdelmoumène Bentobbal, Rabah Bouaziz est parti en silence dans la journée du vendredi, après une longue maladie. L'homme, connu par sa discrétion, a toujours travaillé dans l'ombre, sans tapage médiatique. Les adeptes du malouf local ont été toujours unanimes à reconnaître avec respect sa bravoure, sa modestie mais aussi son dévouement pour son art. Rabah Bouaziz fut l'un des musiciens formateurs qui ont consacré les plus belles années de leur vie au malouf constantinois, mais il a été toujours victime de l'ingratitude et de l'oubli. Né le 3 mars 1938 à Constantine, Rabah Bouaziz, qui débuta dans le style chaâbi en 1958 en jouant au banjo, fréquenta les classes du conservatoire de l'université populaire après l'indépendance, tout en activant au sein des Scouts musulmans algériens et du Croissant-Rouge algérien. Doué d'une patience inégalable et d'un don exceptionnel pour l'enseignement, il formera une véritable pépinière de jeunes talents au sein de l'association Balabil El Andalous, à la fin des années 1970, à la maison de jeunes de la cité Filali. Si parmi ses anciens élèves, certains ont choisi d'explorer d'autres horizons, certains se sont forgés des noms sur la scène constantinoise et même nationale, à l'image d'Ahmed Aouabdia et de Djamel Bensemmar. Après la dissolution de l'association Balabil El Andalous, Rabah Bouaziz sera l'un des piliers de l'association El Fergania devenue durant les années 1980 l'une des troupes musicales phares de la ville de Constantine et dans laquelle il excella en tant que joueur de violoncelle, mais aussi en tant que formateur, sans pour autant recevoir les mérites qui lui reviennent. Lorsque nous lui avons rendu visite depuis quelques mois dans son modeste appartement, sis au fameux immeuble de la place Benyezzar, ammi Rabah Bouaziz nous avait chaleureusement accueilli malgré son état de santé qui ne cessait de se dégrader suite aux complications dues à un diabète dont il souffrait en silence et dans la dignité. Il regrettait amèrement la solitude dans laquelle il se trouvait et l'oubli dont il fait l'objet de la part des siens et de ses anciens élèves. Ammi Rabah attendait désespérément de son vivant un geste de reconnaissance aussi symbolique soit-il de la part des autorités de la ville ainsi que de tout ceux qui ont puisé de ses répertoires pour se faire une réputation artistique. Un geste qui tardera à venir. Rabah Bouaziz est parti vers sa dernière demeure sans le moindre bruit, laissant derrière lui l'image saine d'un maître aux valeurs incontestées.